Catherine de Médicis vue par Céline Borello (Lettre 68)

Portrait en première de couverture de Catherine de MédicisCatherine de Médicis est une des grandes figures féminines du XVIe siècle européen. Né à Florence en 1519, elle est descendante d’une des plus riches familles italiennes dont la puissance a été forgée sur le négoce et la banque. Et c’est son nom qui lui permet de s’unir en 1533 à la maison des Valois.

Son destin est remarquable pour le temps car elle est au-devant de la scène politique dans une période de l’histoire de France particulièrement mouvementée : celle des « guerres de Religion ». Cette succession d’affrontements entre catholiques et protestants, qui créent un climat d’intolérance et de violence réciproque, est le quotidien de Catherine, veuve depuis 1559 du roi Henri II. Son fils ainé est alors trop jeune et elle devient régente puis conseille ses enfants majeurs, Charles IX puis, à sa mort, Henri III.

Cette biographie s’attache principalement à revisiter de manière synthétique, le mythe d’une Catherine de Médicis empoisonneuse, assoiffée de pouvoir et de violence en présentant les avancées de la recherche sur l’histoire des femmes de la Renaissance ou sur les guerres de Religion. Pour saisir cette personnalité foisonnante, un parcours en quatre temps est proposé.

Celui, tout d’abord, des premiers apprentissages où Catherine découvre les tensions politiques et le faste artistique italien ; où elle observe la cour de France et ses usages, surmonte sa difficulté à concevoir, s’impose comme dauphine puis femme de roi.

Vient ensuite la progressive entrée dans le cœur du pouvoir politique. Le dialogue, l’échange, le compromis sont les premières intentions de la reine mère, en tant que gouvernante du royaume ou comme simple conseillère de ses fils. Elle poursuit inlassablement un idéal de concorde civile dans un temps marqué par l’intolérance la plus totale entre chrétiens. Cette ligne de conduite ne signifie pas pour autant une absence de fermeté de sa part et elle sait prendre des décisions quand il le faut et régner dans un royaume qui se déchire et qui n’est pas encore pleinement centralisé autour de son roi.

La biographie propose également de suivre l’action culturelle de cette mécène de la Renaissance : elle soutient des projets d’architecture importants, elle participe à la création des jardins qui deviennent des espaces de rituels monarchiques et courtisans. Les fêtes grandioses, les ballets, les spectacles vivants qui ont lieu à l’intérieur comme à l’extérieur des palais de la Renaissance française, donnent à voir une représentation de son idéal politique fait d’harmonie, de beauté et de paix.

 

La vie de Catherine de Médicis a de fait alimenté nombre de rumeurs, imaginaires et funestes, des fantasmes parfois impitoyables, créant une véritable « légende noire » autour d’elle que la dernière partie de l’ouvrage s’attache à expliquer. Les raisons sont multiples à ce déferlement de haine contre la reine : elle est étrangère, italienne, ce qui la place aisément du côté d’une potentielle trahison envers la France qui sort difficilement des guerres d’Italie. Elle est également une femme dans un mode où la misogynie est habituellement de mise, en particulier pour ce qui concerne l’exercice du pouvoir. Enfin, en tant que Médicis, elle incarne la ruse : Machiavel n’a-t-il pas dédié à son père, Laurent II, son célèbre ouvrage, Le Prince, traité politique dont certains conseils étaient fort éloignés de la morale chrétienne ?

Ces éléments, corrélés à la place première qu’elle occupe au centre de l’institution monarchique, font d’elle une femme de pouvoir détestée, une « veuve noire », que les romanciers du XIXe siècle ont contribué à discréditer et que les historiens, pendant longtemps, n’ont guère mieux présentée. Les arts, y compris les plus récents comme le cinéma, se sont appropriés cette image qu’elle-même a en partie élaborée en s’habillant exclusivement en noir à la mort d’Henri II.

Le livre apporte un éclairage plus complexe sur cette Florentine devenue femme de roi de France, mère de monarques, régente, conseillère, négociatrice, amatrice des savoirs et des arts de cette Renaissance qui l’a vue naître.

Intégrée à l’émission SOLAE, la chronique mensuelle des Amitiés huguenotes internationales, a été pour la 1ère fois diffusée sur France Culture le 2ème dimanche du mois (et non plus le 1er), le dimanche 12 septembre 2021, à 8h55.

 

Bibl. Céline Borello, Catherine de Médicis, Paris, PUF, 2021

Céline Borello est professeur d’histoire moderne à l’université du Mans, auteur de plusieurs ouvrages dont Les Protestants de Provence au XVIIe siècle (Paris, Honoré Champion, 2004), Du désert au royaume : parole publique et écriture protestante (1765-1788) : édition critique du Vieux Cévenol et de sermons de Rabaut Saint-Étienne (Paris, Honoré Champion, 2013), La République en chaire protestante (XVIIIe-XIXe siècles), (Presses universitaires de Rennes, 2017), Marie Durand, Résister. Lettres de la Tour de Constance, présentation et notes (Ed. Ampelos, 2018), Dieu, César et les protestants, Anthologie de discours pastoraux sur la res publica (1744-1848), (Paris, Honoré Champion, 2019)

Laisser un commentaire