Benjamin Delessert,une personnalité éclairée qui a marqué la botanique, l’industrie et la politique sociale des débuts du XIXème siècle (Lettre 72)

par Christiane Guttinger

Affiche de l'exposition de la bibliothèque botanique : une fleur avec un papillon.Les 250 ans de la naissance de Benjamin Delessert, à Lyon en 1773, sont commémorés à la bibliothèque Mazarine [1] par une exposition dédiée à sa collection botanique.

La passion pour la botanique est partagée par cette famille huguenote exilée depuis la Révocation dans le Canton de Vaud, active dans la banque et l’industrie à Genève, Lyon et Paris au XVIIIe siècle. La mère de Benjamin est déjà destinataire des Lettres sur la botanique de Jean-Jacques Rousseau (1773). Son frère aîné Etienne, et Benjamin correspondent avec des botanistes et explorateurs du monde entier, enrichissant les herbiers par des échanges et achats dans un but scientifique affirmé. Benjamin s’associe avec le genevois Augustin-Pyrame de Candolle à la parution [2] de cinq luxueux volumes, illustrés de planches-couleur très artistiques de Pierre Jean François Turpin (1775-1840) et constitue une bibliothèque spécialisée. S’intéressant aussi aux coquillages, il en réunit également une très riche collection[3].

Une éducation libérale, des voyages de jeunesse en Angleterre l’ont ouvert aux innovations industrielles et l’enseignement d’Adam Smith sensibilisé à la condition ouvrière.

En 1795, son père lui confie la direction de ses affaires parisiennes. Benjamin ouvrira le « Musée botanique Delessert, » au 1er étage de de la banque familiale, dans l’hôtel d’Usès, 175 rue du Fg Montmartre[4].

La botanique est chez lui plus qu’un loisir et sera à l’origine de son immense réussite : il transforme et industrialise leur propriété de Passy par l’implantation d’une filature de coton, puis d’une raffinerie de sucre en mettant au point un procédé d’extraction de la betterave, alors que le Blocus continental empêche l’approvisionnement en sucre de canne… Cela lui vaudra la reconnaissance de Napoléon qui le fait, en 1812, chevalier de la Légion d’honneur, baron de l’Empire, et régent de la Banque de France !

Benjamin Delessert innove aussi en matière de politique sociale et de bienfaisance, créant (en 1800) le 1ère soupe « fourneau économique à la Rumford », pour venir en aide à la population. Il s’investit dans la Société d’encouragement à l’industrie moderne, la Société philanthropique, les soupes populaires, l’aide à l’instruction primaire, aux salles d’asile destinées à l’enfance, les dispensaires, l’accueil des malades dans les hôpitaux. Membre du Consistoire réformé de Paris de 1808 à 1815, il y sera remplacé par son frère François pour se consacrer à la politique, élu député de Paris, puis de Saumur. Notons que les 1ers cultes du quartier de Passy se tiendront dans l’Orangerie de la propriété Delessert.

Mais c’est surtout la création pérenne, en 1818, de la Caisse d’épargne et du livret A, destinés à la prévoyance des plus démunis, qui lui vaudra le surnom de « Père des ouvriers ». Il dirigera la Caisse d’épargne près de vingt ans et lui lèguera, à sa mort en 1847, une somme[5] permettant d’offrir des livrets de cinquante francs à trois mille ouvriers choisis chaque année.

Les idéaux de ce bienfaiteur sont fixés dans deux ouvrages, un Guide du bonheur (paru en 1839), et La Nouvelle morale en action (1858).

 

(Chronique des Amitiés huguenotes internationales diffusée à la fin de l’émission SOLAE, sur France-Culture, le dimanche février 2024, à 8h55)

 

 

 

La sucrerie de Passy en 1859.

La sucrerie de Passy en 1859

(Photographie Edouard Delessert mise en ligne par John d’Orbigny Immobilier)

Benjamin Delessert acquit un grand domaine entre le quai de Passy et l’actuelle rue Raynouard où il remet en activité une filature de coton, implante la 1ère raffinerie de sucre de betterave, et son hôtel particulier les reliant par une longue passerelle. Des bâtiments annexes de la paroisse de Passy-Annonciation furent élevés sur le cimetière familial

 

 

L’hôtel d’Uzès, siège de la banque Delessert.L'Hotel d'Uzès, gravure

Gravures publiées dans l’Illustration en 1844. Il fut démoli en 1870 pour le percement de la rue d’Uzès. Les boiseries du salon (1768) à motifs or se détachant sur un fond blanc, dues à l’aménagement de Claude-Nicolas Ledoux pour le duc de Crussol, ont été remontées au musée Carnavalet).

 

Collection de tableaux de B. Delesseert.Très éclectique la collection de tableaux fit en 1846 l’objet d’un inventaire que l’on peut consulter sur Gallica : « Notice sur la collection de tableaux de MM Delessert ».

 

 

 

 

[1] « Un herbier-monde : la bibliothèque botanique de benjamin Delessert (1773-1847), Bibliothèque Mazarine et de l’Institut, 8 décembre 2023-2 mars 2024.

[2] e 1820 à 1846

[3] de 100 000 coquillages représentant 23 000 espèces ainsi qu’une très riche bibliothèque. Il fait paraître en 1841 un Recueil de coquilles décrites par Lamarck dans son Histoire naturelle des animaux sans vertèbres et non encore figurées et dont le texte est signé Jean-Charles Chenu. Ses collections sont notamment enrichies par l’acquisition des collections de Jean-Baptiste de Lamarck, et d’autres botanistes

[4] Il réunissait 250 000 échantillons de plantes sèches représentant 86 000 espèces sur les 95 000 connues à l’époque, couplé à une la bibliothèque spécialisée d’environ 8 000 volumes A sa mort, plusieurs herbiers reviendront à la bibliothèque de l’Institut par l’intermédiaire de de l’Académie des sciences dont les deux frères étaient membres libres ; d’autres à la ville de Genève.

[5] 160 000 francs

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