Pierre Toussain(1499-1573), Réformateur de Montbéliard (Lettre 67)

par Christiane Guttinger

 

Pierre Toussain est né en Lorraine en 1499 dans une famille noble, catholique et aisée. Après des études à Metz, Bâle, Cologne, Paris et Rome, il devient, en 1515, chanoine de Metz. Ouvert aux idées humanistes et réformatrices, il en est chassé en 1526.

Il retourne alors à Paris, où il devient l’aumônier de Marguerite de Navarre, mais doit, en 1531, se réfugier en Suisse où il prend contact avec Zwingli, Farel, et surtout Oecolampade qu’il avait déjà côtoyé comme étudiant, à Bâle.

Personnalité indépendante, Pierre Toussain s’insère ainsi dans le réseau de la Réforme qui n’a pas été pensée comme une nouvelle Eglise, mais une rénovation, une ouverture de la religion chrétienne à la modernité et l’esprit scientifique, une rupture avec le cléricalisme.

Toussain est alors invité en 1535 par le duc Ulrich de Wurtemberg, à poursuivre la Réforme implantée par Farel à Montbéliard. Il y régnait alors une situation unique, alliant liberté de conscience et paradoxe culturel. Sous l’autorité du Wurtemberg, le pays était de langue et culture française, mais le peuple parlait un patois de langue d’Oïl, proche de celui de certaines vallées vosgiennes.

Photo du temple Saint GeorgesMontbéliard fut une étape pour les réformés français sur le chemin de l’exil. Certains s’y établirent, si bien qu’une

église des réfugiés, le temple Saint-Georges(Sa construction commencera en 1674 et sera interrompue deux ans plus tard du fait de l’incursion des troupes de Louis XIV dans la principauté.), sera édifiée ultérieurement dans le nouveau faubourg.

Proche de Bucer, qui l’avait installé dans sa charge à Montbéliard, Pierre Toussain se heurta au parti catholique. La messe fut supprimée (dans la principauté) en 1538. Il se heurta aussi aux théologiens luthériens intransigeants en refusant d’introduire les ordonnances ecclésiastiques contraires à ses convictions. Par ailleurs, il s’éloigna de Farel et Calvin à propos de la prédestination.

Homme de foi, il avait cependant le souci pastoral de rassembler. Le qualificatif d’homme libre, qui lui est associé, doit être pris dans sons sens au XVIes., signifiant fidélité à ce qu’il pensait être juste.

Le Conseil de la ville et le prince assuraient l’accueil et la sécurité de tous, veillant à maintenir l’unité nécessaire. Le sang ne coula jamais à Montbéliard pour des raisons religieuses, mais Pierre Toussain fut mis à la retraite, sanctionnant un profond désaccord avec le corps pastoral luthérien. Les tensions apaisées, Toussain revint à Montbéliard où il mourut en 1573.

Après la mort du Comte Georges, les princes imposèrent un surintendant luthérien. Le temple Saint-Martin est inauguré en 1607.

Enclave isolée économiquement par ses voisins catholiques, le « pays » accueillit des anabaptistes pour gérer et cultiver les terres, afin d’assurer son auto-suffisance alimentaire.

Montbéliard se considérait comme une ville libre, ainsi qu’elle le proclamera lors du rattachement de la principauté à la France en 1793 (Lorsque le conventionnel Bernard de Saintes (1751-1818) vint prononcer l’intégration du Pays de Montbéliard à la France par ces mots « Nous vous apportons la liberté », les bourgeois répondirent fièrement « Nous l’avons déjà ! »). Pierre Toussain est-il étranger à cette conscience-là ?

Gravure de Montbéliard

Montbéliard vers 1600

 

(Culture protestante, chronique mensuelle des Amitiés huguenotes internationales, diffusée sur France Culture à 8h55, le 7 mars 2021)

 

Pour aller plus loin :

Yves Parrend, Pierre Toussain, réformateur et homme libre, Editions La Cause, Carrières-sous-Poissy, 2018.

John VIENOT, Histoire de la Réforme dans le Pays de Montbéliard depuis son origine jusqu’à la mort de Pierre Toussain 1524-1573, Imprimerie Montbéliard, Montbéliard, 1900

Laisser un commentaire