Les huguenots au Cap de Bonne Espérance (Lettre 69)

par Denis Carbonnier

 

ere de couverture du livre : Les Huguenots au Cap« Les huguenots au Cap », tel est le titre d’un important ouvrage que la Société huguenote d’Afrique du Sud a publié il y a quelques mois en trois éditions différentes : anglais, afrikaans et français.

Il y a là une mine d’informations sur ce groupe de protestants français fuyant les persécutions dont ils étaient victimes lors de la Révocation de l’Edit de Nantes en 1685, en passant des Pays-Bas à l’Afrique du Sud. Pour comprendre cette épopée, les auteurs rappellent que la République des Provinces-Unies des Pays-Bas se trouvaient alors dans une situation politique, culturelle, économique et sociale très en avance sur celle du reste de l’Europe.
Son dynamisme économique s’était manifesté dès 1602 par la création de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales : pilier de la puissance du capitalisme néerlandais (selon des économistes, sa puissance pourrait être comparée aux multinationales d’aujourd’hui du type Apple ou Amazon), elle a établi des comptoirs avec comme tête de pont Batavia (aujourd’hui Jakarta). Mais, d’Amsterdam, la route est longue pour y parvenir ! Le Cap de Bonne Espérance, à mi-distance, autorisait l’établissement d’un port pour le ravitaillement des navires, ce qui fut fait en 1652. Toutefois, ne pouvant devenir un comptoir commercial rentable, la compagnie décide d’en faire une colonie de peuplement.


Les premiers immigrants furent des Néerlandais, Allemands, et autres Danois et Suédois, fuyant les ravages dus à la guerre de Trente ans. Avec pour mission d’y développer agriculture et viticulture. Mais sans beaucoup de résultats. La Compagnie des Indes orientales se tourne alors vers les protestants français réfugiés aux Pays-Bas, réputés travailleurs et d’une excellente moralité. Avant même l’édit de Révocation de 1685, quelques-uns d’entre eux, seuls ou avec leur famille, reçoivent des terres avec obligation de rester au Cap pour cinq ans.
En novembre 1687, la Compagnie décide d’envoyer autant de huguenots que possible : neuf navires sont affrétés en quelques mois. L’ouvrage donne les noms des familles concernées (et leur descendance), avec à leur tête le pasteur Pierre Simond, et relate avec beaucoup de détails les conditions de vie à bord – difficiles car nombreux furent ceux qui moururent durant la longue traversée de l’Atlantique.

A leur arrivée, les quelques 200 réfugiés huguenots, accueillis avec compassion, reçoivent des terres riches en alluvions, protégées des vents du large, pour y développer notamment la viticulture, grâce aux pieds de vigne français emportés avec eux. Ils créent des fermes aux noms fleurant bon le terroir français : La Bourgogne, La Dauphine, La Brie, La Provence, La Champagne, etc.

Les velléités des Français de pouvoir rester à proximité les uns des autres pour s’entraider, se réconforter et participer ensemble à un culte en français, furent rapidement écartées par la Compagnie des Indes : si une école pouvait être ouverte, elle devait l’être à tous, les instituteurs devaient être bilingues et les enseignements se faire à la fois en français et en néerlandais ; si un temple a pu être construit, il devait accueillir tous les colons, français et hollandais. L’objectif était clair : voir les huguenots s’assimiler très rapidement et devenir de « bons paysans hollandais ». Le résultat fut qu’en moins de deux générations, la langue française avait disparu.

Que reste-t-il aujourd’hui de cette émigration ? Tout d’abord, 300 000 Sud-Africains portent encore des noms français ou d’origine française. Lorsque l’on boit un vin d’Afrique du Sud, on peut avoir une pensée pour ces vignerons français de la fin du XVIIe siècle. Mais, surtout, même s’ils ne parlent plus couramment le français, nombre de descendants de huguenots cherchent à perpétuer le souvenir de l’aventure de leurs ancêtres : un musée, le Mémorial huguenot, a été inauguré en 1948 à Franschhoek (qui signifie le « Coin des Français ») ; et la Société huguenote d’Afrique du Sud établie en 1953.

L’ouvrage « Les huguenots au Cap » étant malheureusement indisponible en France, vous pouvez vous adresser aux (Amitiés huguenotes internationales, 47 rue de Clichy,  75009 Paris , contact@huguenots.fr).

 

Chronique des Amitiés huguenotes internationales diffusée à la fin de l’émission SOLAE, sur France-Culture, le dimanche 9 janvier 2022, à 8h55)

Un exemplaire de cet ouvrage de Philippa van Aardt & Elaine Ridge, peut être consulté à la Bibliothèque de la Société de l’histoire du protestantisme français (SHPF), 54 rue des Saints-Pères, 75007 Paris, dont les horaires d’ouvertures sont renseignés sur le site shpf.fr

Cette bibliothèque, la plus importante bibliothèque privée française, a fait l’objet de très importants travaux, aménageant, entre autres, ses sous-sols pour recevoir et conserver les archives selon toutes les normes modernes requises.

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