La Cévenole et Ruben Saillens (Lettre 63)

1ere de couverture de l'ouvrage Ruben et Jeanne SaillansSalut montagnes bien aimées,
Pays sacré de nos aïeux.
Vos vertes cimes sont semées,
De leur souvenir glorieux.
Élevez vos têtes chenues
Espérou, Bougès, Aigoual,
De leur gloire qui monte aux nues,
Vous n’êtes que le piédestal.
Refrain
Esprit qui les fis vivre,
Anime leurs enfants
Pour qu’ils sachent les suivre.

Cet hymne chanté depuis 1911 lors de chaque Assemblée du Désert le premier dimanche de septembre a une histoire, comme son auteur Ruben Saillens.
Ecrit en 1885, il a été chanté pour la première fois à l’occasion du bi centenaire de la Révocation de l’Edit de Nantes. Il célèbre le passé du protestantisme cévenol et la résistance des Camisards en lutte contre le pouvoir royal pour la défense de la liberté de la foi.


Derrière ces lignes, on trouve Ruben Saillens (1855-1942) venu des Cévennes et son épouse Jeanne. Ils ont mené une vie prolifique pour le protestantisme français, au contact de tous les mouvements et tendances de l’époque, marquée par le Réveil en s’affranchissant des cloisonnements : UCJG, Mission Mac All qui deviendra la Mission Populaire, l’Eglise Libre, l’Eglise Réformée, les Quakers, l’Armée du Salut, et l’Eglise baptiste, dont Ruben sera un des membres fondateurs en France.

Son discours, et le public qu’il touche dépasse toutes les classes sociales de l’époque : A une femme sans chapeau qui hésitait de ce fait à rentrer à une de ses réunions d’évangélisation, Ruben Saillens lui répond : Entrez toujours, le chapeau n’est pas de rigueur !  Une autre fois, alors qu’il prêche à Rouen, il est invité sans délais par la reine Wilhelmine des Pays-Bas, il déclare : l’Evangile est le même pour tous ! et il répètera sa prédication !

Ayant suivi, comme son épouse Jeanne, une formation biblique en Angleterre, Erasmus avant la lettre, ils sont tous deux bilingues et communiquent largement avec le monde francophone (Belgique et la Suisse) et le protestantisme anglo-saxon. Ils n’hésitent pas à voyager et recherchent des fonds pour leurs activités en France, du « fund raising » avant la lettre ! Avec une telle notoriété, Ruben Saillens sera même reçu dans le bureau ovale de la Maison blanche par le président des Etats-Unis de l’époque alors qu’il n’est âgé que de 28 ans !

Doté de grands talents oratoires, en français, comme en anglais, il parvient à rassembler des milliers de personnes, comme le font de nos jours, les évangélistes américains pour les inciter à la conversion.

Il traduira de nombreux cantiques anglais en français comme « Reste avec nous Seigneur » ou le cantique du Titanic « Plus près de toi mon Dieu ». Il s’inspirera aussi de mélodies de cantiques anglais en écrivant ses propres paroles en français. A l’origine ces cantiques sont regroupés dans un recueil « Sur les ailes de la foi » qui seront repris ensuite dans les recueils des différentes églises protestantes de langue française.

Alors que lui-même n’avait suivi qu’une courte formation théologique, il fonde, avec l’appui de bienfaiteurs américains, l’Institut biblique de Nogent qui forme encore de nos jours pasteurs et missionnaires.

Avec son épouse, Jeanne, ils auront 5 enfants. Sa fille Madeleine sera la première femme pasteur baptiste en France et plusieurs de ses descendants s’illustreront dans des activités missionnaires et éducatives. Sa fille Marguerite Warguenau Saillens, dans un livre réédité aux éditions Ampelos a raconté le parcours émouvant de ses parents. Jacques Blocher, descendant du couple a évoqué sous un angle plus théologique leur itinéraire.

 

par Laure GINESTY – VERMEIRE

(Culture protestante, chronique mensuelle des Amitiés huguenotes internationales, diffusée sur France Culture, à 8 h 55, le 3 février 2019).
Bibl. Marguerite Warguenau Saillens, Ruben et Jeanne Saillens, évangélistes, Ed. Ampelos, 2018

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