Du 25 septembre au 24 octobre 2018, l’Opéra-Bastille de Paris nous propose de découvrir ou de redécouvrir, pour une dizaine de représentations, l’opéra de Giacomo Meyerbeer, Les Huguenots.
Né près de Berlin en 1791 et mort à Paris en 1864, Meyerbeer est le compositeur d’opéras le plus célèbre (et le plus joué) au XIXe siècle avant même Mozart, Verdi ou Wagner. C’est en s’établissant à Paris qu’il remporte ses plus grands triomphes avec seulement trois œuvres, Robert le Diable (1831), Les Huguenots (1836) et Le Prophète (1849), considérées comme fondatrices de ce que l’on appelle le « Grand opéra français ».
Les Huguenots est donc un grand opéra en cinq actes et trois tableaux, sur un livret en français d’Eugène Scribe et Émile Deschamps, créé le 29 février 1836 à l’Opéra de Paris avec les plus grands chanteurs de l’époque.
Cet opéra s’inspire des événements ayant conduit au massacre de la Saint-Barthélemy, le 24 août 1572. Meyerbeer décide en effet de mettre en musique un drame historique ayant pour sujet un amour impossible entre une catholique et un protestant sur fond de guerre de religion. Les guerres de religion et le massacre de la Saint-Barthélemy sont des thèmes à la mode dans les années 1830. Ils sont le sujet de plusieurs œuvres dramatiques, dont La Saint-Barthélemy de Charles de Rémusat (1828) ou Aoust 1572, ou Charles IX à Orléans de Jean-Pierre Lesguillon (1832). Alexandre Dumas remporte quant à lui un triomphe avec sa pièce Henri III et sa cour créée à la Comédie-Française en 1829. Dans Le Rouge et le Noir paru en 1830, Stendhal fait référence à plusieurs reprises à l’époque de Charles IX. Publié en 1829, le roman de Prosper Mérimée Chronique du règne de Charles IX inspire à Ferdinand Hérold son dernier opéra, Le Pré-aux-clercs (1832), mais aussi en partie l’œuvre de Meyerbeer.
L’argument du livret est complexe, ce qui explique la longueur de la partition : près de 4 heures de musique (4 h 50 avec les deux entractes) ! Il lui est souvent reproché, outre des anachronismes, de ne comprendre que deux personnages historiques, Marguerite de Valois et Maurevert ; ni Charles IX ou sa mère, ni Coligny n’apparaissent dans Les Huguenots. À la décharge des auteurs du livret, il faut cependant remarquer que dans la version originale de l’opéra, la scène de la conjuration et de la bénédiction des poignards était censée être menée par Catherine de Médicis elle-même. Outre l’intérêt de faire intervenir un personnage historique majeur dans l’intrigue, cette présence avait l’avantage, sur le plan musical, d’introduire un peu de variété puisqu’on aurait entendu une voix féminine dans une scène largement dominée par les voix d’hommes. Néanmoins, la censure française de l’époque refusa cette présence royale sur scène et les lignes écrites pour Catherine de Médicis furent finalement confiées au comte de Saint-Bris.
Considéré comme le chef-d’œuvre de Meyerbeer, l’œuvre a influencé les plus grands compositeurs lyriques, à commencer par Richard Wagner (des réminiscences du duo d’amour entre Raoul et Valentine au quatrième acte se font entendre dans Tristan et Isolde), mais aussi Giuseppe Verdi (notamment dans les Grands opéras qu’il compose pour l’Opéra de Paris), avant de devenir « un prototype, voire un poncif », aux yeux d’une critique de plus en plus sévère.
Pourtant, tout au long du XIXe siècle, Les Huguenots ont été représentés plus de 1 000 fois à l’Opéra de Paris.
Les contraintes artistiques impliquent qu’un directeur d’opéra qui veut monter l’œuvre de façon satisfaisante doit pouvoir trouver sept interprètes de tout premier plan pour les rôles principaux, capables, de plus, de suivre le style lyrique de cet opéra. C’est ce qui explique que l’opéra ait été peu représenté au XXe siècle.
Heureusement, depuis quelques années, les maisons d’opéra le reprogramment, permettent ainsi la réévaluation de l’œuvre. Comme l’analyse le critique Renaud Machart, l’opéra Les Huguenots n’est pas « un gros machin moralisant et ringard » ; c’est « une œuvre totale, complexe mais accessible, qui montre que le compositeur allemand, passé par l’Italie et la France, connaissait ses classiques : la partition est fondée sur des archaïsmes nombreux et cite des périodes musicales qui vont de la musique médiévale au Don Giovanni de Mozart, tout en annonçant Verdi (qui y fera son miel) et, dans son ballet, les musiques pimpantes du groupe des Six ».
Signalons enfin qu’à plusieurs reprises, on peut entendre le thème du cantique écrit et composé par Luther « Ein’ feste Burg » – « C’est un rempart que notre Dieu », l’hymne de la Réformation.
(Chronique mensuelle des Amitiés huguenotes internationales (anciennement Comité protestant des amitiés françaises à l’étranger), diffusée sur France Culture, à 8 h 55, le 4 novembre 2018).
par Louis Burkard
L’imagerie populaire,telle une série de chromos « Liebig », témoigne de la renommée de l’œuvre !