Le protestantisme du Nord de la France et en Thiérache (Lettre 62)

 

Vue extérieur duTemple de Lemé Vue intérieure du Temple de Lemé

 

Le protestantisme du Nord de la France est souvent méconnu, et une visite au temple-musée de Lemé en Thiérache, au nord de l’Aisne, rappelle son importance historique.
L’implantation du protestantisme en Thiérache remonterait aux tout débuts de la Réforme par le biais de paysans saisonniers venus faire les moissons aux alentours de Meaux. Meaux où est dressée en France la 1ère Eglise réformée, en 1545. Des groupuscules disséminés se réunissent pour lire la Bible et chanter des psaumes. En 1563, au Synode de La Ferté-sous-Jouarre, le pasteur de Montcornet est sollicité par la communauté de Parfondeval.


Après la Saint Barthélemy, villes, villages et châteaux sont le théâtre de luttes entre ligueurs catholiques et partisans d’Henri IV. L’Edit de Nantes mentionne Saint-Quentin et Boulogne, mais des cultes de fief et de maison, se maintiennent en de multiples lieux. La principauté de Sedan offre un refuge.
Ayons en mémoire les frontières Nord de la France, du XVIe au XVIIIe siècle : Artois, Flandres et Hainaut étaient espagnols. Sous Louis XIV, le traité dit de la Barrière autorise l’installation de garnisons hollandaises à Tournai, Armentières, Menin, Ypres et Namur. Les pasteurs des églises wallonnes y baptisent les enfants et bénissent des mariages de protestants. Ils s’y rendent de loin : de Brie, de Champagne et même de l’Orléanais ; et pour cette longue marche, les besaces contenaient des sabots de rechange !
A la Révocation, répression, abjurations et exils sont massifs. Un savetier évangéliste de Lemé, Georges Magnier, est condamné en 1750 et meurt aux galères. La pratique clandestine dans les maisons particulières et les assemblées comme celle de la « Boite à Cailloux » perdurent autour de pasteurs itinérants. Gardien Givry, originaire de Vervins, qui visite aussi les Eglises de Picardie et de Brie est arrêté à Paris ; il meurt dans la prison de l’Ile Sainte-Marguerite. Encore en 1770, le pasteur Charmuzy qui avait essayé de réorganiser les églises est arrêté à Meaux et périt après avoir été roué de coups.
L’édit de Tolérance voit une résurgence massive du protestantisme. A Parfondeval, le culte est célébré dans le fournil du boulanger, puis un temple en torchis est remplacé en 1858 par l’actuel temple en brique.
Sous le Concordat, le siège du Consistoire de l’Aisne, regroupant 6000 âmes, est établi à Monneaux, aux environs de Château-Thierry, où un temple a été élevé dès 1793.
Lemé, fut marqué par le ministère du pasteur Colani, et le départ des premiers missionnaires pour l’Afrique du Sud où leurs ancêtres avaient trouvé refuge. Un orphelinat protestant y accueillit des enfants de 1861 à 1974.
Restauré grâce à l’Association de sauvegarde du temple de Lemé, le Temple-musée, inauguré en 2006, présente un panorama de l’histoire du protestantisme régional, illustré de documents gravures et tableaux, complétés d’un film et la mise à disposition d’audioguides. Il est ouvert de juillet à mi-septembre, les samedis et dimanche, de 14h30 à 18h.

par Christiane Guttinger

(Culture protestante, chronique mensuelle des Amitiés huguenotes internationales, diffusée sur France Culture, à 8 h 55, le 5 août 2018).

Pays-Bas espagnols et places de la Barrière occupées

Carte des Pays-Bas espagnols

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