À l’occasion du cinq-centième anniversaire de la naissance de Renée de France, princesse royale, duchesse de Ferrare et dame de Montargis, plusieurs biographies ont été publiées sur cette personnalité hors du commun.
Née en1510 et morte en 1575, Renée de France était la fille cadette du roi de France Louis XII, et d’Anne de Bretagne. Elle était donc la belle-sœur de François Ier, et a été, de son vivant, la tante et la grand-tante de quatre rois de France. Ses biographes la présentent comme très intelligente, ayant fait des études assez poussées pour l’époque. Elle aurait ainsi reçu l’enseignement de Lefèvre d’Etaples, venu à la cour comme précepteur des enfants de France et bibliothécaire du roi, et été en contact avec les cercles humanistes « évangéliques » gravitant autour de Marguerite d’Angoulême, future reine de Navarre.
A 18 ans, elle épouse l’héritier du duché de Ferrare, Hercule II d’Este. Installée à Ferrare, Renée est entourée d’une cour importante qui devient l’un des foyers les plus brillants de la Renaissance italienne. De nombreux évangéliques, venus d’Italie, d’Allemagne, de France ou de Genève, se pressent à Ferrare. Très rapidement, en effet, elle accueille et protège ceux qui se réclament de l’Evangile : elle prend comme secrétaire le poète Clément Marot, protège de nombreux « évangéliques » poursuivis pour leurs idées religieuses, sans pour autant manifester le désir de structurer ce mouvement à la manière des calvinistes de Genève.
L’année charnière de son séjour italien, celle où se manifeste son engagement politique et religieux, est 1536. Calvin, qui vient de publier l’Institution de la religion chrétienne, séjourne pendant trois semaines à Ferrare. Ensuite, durant une trentaine d’années, Calvin et la duchesse poursuivront un échange épistolaire nourri.
Parce qu’elle n’en avait pas la liberté, Renée de France n’a pas officiellement rompu avec l’Église catholique, mais ses sympathies et ses préoccupations l’orientent indéniablement vers la foi réformée. Rome demande des sanctions contre la duchesse : ses filles sont placées dans un couvent et son fils aîné, le futur Alphonse II, dans un collège de jésuites. Accusée d’hérésie, le Tribunal de l’Inquisition condamne la duchesse à la prison à perpétuité et à la confiscation de tous ses biens. Son époux la fait enfermer. Pour être libérée, elle doit assister à la messe, communier et se confesser, reniant ainsi en apparence sa foi.
A la mort de son époux, la duchesse de Ferrare revient en France en 1560, et s’installe à Montargis. Elle fait appel à l’architecte réformé Androuet Du Cerceau pour les transformations et réparations qui s’imposent dans son château. Là, elle poursuit une vie riche de contacts intellectuels et fait de Montargis un lieu d’accueil pour les réformés. Agrippa d’Aubigné évoque le refuge de Montargis où lui-même fut accueilli alors qu’il était en fuite. Elle se lie d’amitié avec l’Amiral de Coligny.
Pour autant, l’attitude de Renée de France face à la « Cause » protestante, doit être nuancée. Elle s’est montré »e pragmatique. Ainsi, durant les trois premières guerres de religion, Renée de France a su préserver Montargis grâce à d’habiles négociations avec les armées protestantes et l’armée royale commandée par le duc d’Anjou, futur Henri III. Elle a imposé l’idée que cette ville pouvait rester une poche de neutralité n’accueillant ni un parti ni l’autre. Sans doute parce que Renée de France et sa fille ainée, Anne d’Este, étaient très proches, la mère ne semble pas s’être beaucoup formalisée de ce que sa fille se marie avec François de Guise, le chef des catholiques, celui qui, en 1562 déclenchera les guerres de religion par le massacre de la grange de Wassy.
Ayant conservé des contacts avec la cour, Renée de France était présente au mariage d’Henri de Navarre. Elle s’y trouve donc le jour de la Saint-Barthélemy, mais, grâce sans doute à une protection royale et guisarde, elle réussit à quitter Paris. A Montargis, elle accueille et protège les huguenots fuyant les massacres perpétrés en province et en particulier à Orléans. Elle meurt à Montargis le 15 juin 1575. Selon son souhait, elle est inhumée, sans messe, cérémonie ou pompe funèbre.
par Denis Carbonnier
Bibliographie : Huguette Leloup-Audibert, Les dernières dames de Montargis au temps des guerres de religion, Renée de France et Anne d’Este, Ed. de l’écluse, 2010 ; Anne Puaux, La huguenote Renée de France, Hermann, 1997 ; Nicole Vray, Renée de France et Anne de Guise, mère et fille entre la loi et la foi au XVIe siècle, Olivétan, 2010.
(Emission du Comité protestant des Amitiés françaises à l’Etranger, diffusée sur France-Culture le dimanche 2 janvier 2011 à 8h25)