L’année Henri IV

Henri IVD’une année à l’autre, d’un siècle à l’autre, de Calvin à Henri IV

L’année 2009 a été une année faste pour le protestantisme réformé avec les commémorations du 500e anniversaire de la naissance de Jean Calvin. Le Comité protestant des amitiés françaises à l’étranger n’est pas resté à l’écart de ce mouvement, en organisant en septembre dernier à Paris un important rassemblement au cours duquel, venant de tous les continents, des descendants de huguenots, par le sang ou par l’esprit, sont venus attester de la vitalité du calvinisme. Jean Calvin a, en effet, ouvert la Bible à tous ceux, hommes et femmes de toute condition, qui avaient faim et soif de l’Evangile alors interdit. Il leur a expliqué l’Ecriture en langue vulgaire, par un manuel de théologie pratique, l’Institution de la religion chrétienne, par des commentaires, par un catéchisme, par la prédication. Il les a aussi exhortés à rompre avec les pratiques religieuses traditionnelles, contraires à la Parole source. L’ouverture au monde dont il a su faire preuve tout au long de sa vie, l’inventeur d’un modèle d’Eglise apte à être autonome par rapport à l’Etat, d’une éthique et même d’un style de vie « calviniste », expliquent l’impact international du calvinisme, et son essor. Sur tous les continents, il reste toujours une référence forte pour de nombreuses Eglises protestantes, les Eglises réformées et presbytériennes, des Eglises baptistes aussi. L’année 2009 a donc été l’année Calvin.

2010 a été l’année Henri IV, puisque, comme chacun sait, le « bon roi » a été assassiné en 1610 par Ravaillac.

Le futur Henri IV naît en 1553 à Pau. Sa mère, Jeanne III d’Albret, qui déclarera sa conversion à la Réforme à Noël 1560, prend soin d’instruire Henri selon les préceptes de la Réforme ; son père, Antoine de Bourbon, resté catholique, essaie de le soustraire à l’influence réformée, mais meurt en 1562. Agé d’à peine quinze ans, Henri est confié par sa mère à l’amiral Gaspard de Coligny, et participe à la troisième guerre de religion. La mort de Louis de Condé, tué à la bataille de Jarnac en 1569, fait du jeune Henri le nouveau chef du parti huguenot. Avec sa mère, il est présent au synode des Eglises réformées réuni à La Rochelle, en 1571. En 1572, Jeanne meurt et Henri devient roi de Navarre.

Le 18 août 1572, il est marié à Paris à la sœur du roi de France Charles IX, Marguerite de Valois, la « reine Margot ». Ce mariage « mixte » avait été arrangé pour favoriser la réconciliation entre catholiques et protestants. Catholique, Marguerite ne peut se marier que devant un prêtre ; Henri, « hérétique », ne peut entrer dans une église ; leur mariage est alors célébré sur le parvis de Notre-Dame. Le mariage est suivi quelques jours plus tard du massacre de la Saint-Barthélemy. Épargné par les tueries du fait de son statut de prince de sang, Henri est contraint quelques semaines plus tard de se convertir au catholicisme. Retenu prisonnier à la cour pendant plus de trois ans, Henri s’échappe en 1576, abjure officiellement le catholicisme et reprend la tête de l’armée huguenote.

Animé d’un esprit modéré, cherchant toujours à ménager la cour de France, il est contesté par son cousin le prince Henri de Condé, qui lui se bat pour faire triompher la cause protestante. Henri s’illustre dans les dernières guerres de religion. La prise de Cahors, en mai 1580, où il réussit à éviter pillage et massacre malgré trois jours de combats de rue, lui vaut un grand prestige à la fois pour son courage et son humanité. En 1584, la mort de Monsieur, frère du roi Henri III, fait de Henri de Navarre l’héritier présomptif de la couronne de France. Aussitôt se forme une Ligue catholique pour faire barrage à l’hérétique, obligeant Henri III à déclarer Henri de Navarre déchu de ses droits à la succession royale. Une nouvelle guerre de religion commence, la plus longue, la dernière (1585-1598). Contre l’offensive ligueuse, les troupes protestantes menées par Henri de Navarre sont victorieuses à la bataille de Coutras (1587).

Le 1er août 1589, quelques instants avant de mourir des blessures infligées par le moine fanatique Jacques Clément, le roi Henri III reconnaît formellement comme son successeur légitime son beau-frère et cousin le roi de Navarre, et celui-ci devient le roi Henri IV. Un roi virtuel : il lui faudra dix ans pour conquérir son royaume, par les armes, pied à pied contre la Ligue catholique. L’épuisement des forces protestantes et catholiques en présence, tant au niveau moral que financier, contribue à rallier progressivement à Henri IV les « bons Français », plaçant l’intérêt du royaume au-dessus des partis religieux. C’est dans le même sens politique que Henri IV fait le choix d’abjurer à nouveau la foi réformée, en 1593 : « Paris vaut bien une messe », ce qui lui permet d’être enfin sacré roi l’année suivante, à Chartres.

Choqués par sa conversion, qui entraîne celles de nombreuses personnalités de la noblesse, les protestants reprochent au roi de les avoir abandonnés et négocient âprement leur soutien. Victorieux des ligueurs et de leurs alliés espagnols, Henri IV prépare un édit de pacification religieuse entre tous les Français : l’édit de Nantes, signé le 30 avril 1598. Il peut dès lors consacrer ses forces à relever le pays en ruines. Grâce à son ministre Sully, resté huguenot, la douzaine d’année qui précède son assassinat sera une période d’essor de l’économie, des arts et des métiers.

Pourquoi rappeler ici, au sein du Comité protestant des amitiés françaises à l’étranger, la figure ambiguë de Henri IV, le « vert galant » volage, aussi prompt à changer de religion que de maîtresse ? Sur les convictions religieuses de Henri IV, les historiens ne sont pas unanimes. Mais qui peut se targuer de sonder les reins et les cœurs ? Toujours est-il que les protestants lui doivent avec l’édit de Nantes une reconnaissance légale qui leur a permis d’avoir une place en France pendant plusieurs décennies. Outre l’occasion rare d’être un peu présents, sans connotation négative, dans les manuels d’histoire des écoliers français.

Denis Carbonnier

Laisser un commentaire