Hommage à Dietrich Buxtehude (v. 1637-1707) pour le tricentenaire de sa mort

Dietrich Buxtehude
Dietrich Buxtehude
En cette année 2007, marquant le troisième Centenaire de la mort de Dietrich Buxtehude, nous voudrions lui rendre hommage et attirer l’attention des mélomanes, organistes, chefs de chœur et pasteurs, sur l’apport hymnologique et organistique considérable de ce musicien luthérien et germano-danois. Sa production vocale et instrumentale le situe entre Heinrich Schütz (1585-1672), « père de la musique protestante allemande » et Jean-Sébastien Bach (1685-1750), Cantor de Leipzig, tout en rappelant, comme il ressort de notre bref générique, l’école organistique d’Europe du Nord.

Dietrich Buxtehude est né à Oldesloe (dans le Holstein) vers 1637, et mort à Lübeck, le 9 mai 1707. Son père, organiste, s’est installé, dès 1639 en Suède, à Hälsingborg. En 1657, Dietrich, alors âgé d’environ 20 ans, y occupe déjà le poste d’organiste de l’Église Sainte Marie. Trois ans après, il est appelé à l’Église allemande d’Elseneur (ou Helsingor). En 1668, il succède à Franz Tunder (1614-1667) comme organiste à la célèbre Marienkirche dans la ville hanséatique de Lübeck. Il devait y jouer le dimanche pour les cultes du matin et de l’après-midi, les jours de fête et les vêpres du jour précédent, ainsi que pendant la Cène. Il y relance la tradition des Abendmusiken (Musiques du soir), cycles de cantates interprétées en dehors du culte, pendant le temps liturgique de l’Avent. De nombreux marchands se rencontraient à Lübeck, et la réputation de ces auditions dépassa rapidement le cadre de la ville.

À côté des oeuvres restées en manuscrits, son Catalogue comprend environ 90 pièces d’orgue : Préludes avec fugue, Toccatas, Passacailles ; Préludes de chorals luthériens, Fantaisies, Variations de chorals. Ces pages, destinées au grand instrument de la Marienkirche, frappent par leurs vastes dimensions, l’importance accordée au jeu de pédales virtuose, la puissance d’expression ; elles influenceront le jeune Jean Sébastien Bach. Pour les Abendmusiken, Dietrich Buxtehude a écrit plus de 120 compositions vocales religieuses. Ses cantates latines se situent dans le sillage des motets italiens de Giacomo Carissimi (baptisé en 1605 mort en 1674), alors que ses cantates allemandes se rattachent aux Petits Concerts spirituels de Heinrich Schütz.

Comme nous l’avons écrit dans L’Encyclopédie du Protestanstisme, l’esthétique de Dietrich Buxtehude appartient au style baroque d_inspiration piétiste : il a d’ailleurs été influencé par son contemporain, l’Alsacien Philipp Jacob Spener (1635-1705), fondateur du Piétisme en Allemagne, bien connu par ses Pia desideria parus en 1675. Issu du Luthéranisme, ce mouvement met l’accent sur la connaissance précise de la Bible, la piété individuelle et l’Unio mystica (avec le Christ) : il s’agit donc d’une réaction contre l’intellectualisme de certains pasteurs luthériens, et surtout d’un approfondissement de la foi vivante, plus important que le respect des dogmes. Ces différentes tendances sont reflétées dans les choix de textes et de chorals traités par Dietrich Buxtehude, dans certaines pages d’orgue, et essentiellement dans ses Cantates et l’Oratorio : Le Jugement dernier (Das jüngste Gericht) qui lui est attribué [et vient de faire l’objet d’un enregistrement].

Par la densité et l’originalité de la pensée, par sa forte personnalité et sa liberté d’expression, par sa traduction musicale figuraliste des images et des idées du texte, son oeuvre marque un jalon dans l’évolution historique et religieuse de la musique protestante entre Heinrich Schütz (1585-1672), «l’aristocrate de l’esprit» (selon le musicologue allemand Friedrich Blume) et Johann Sebastian Bach (1685-1750), le «cinquième Évangéliste». Leur vie est un acte de foi et la devise de Dietrich Buxtehude : Non hominibus, sed Deo (Non pas aux hommes, mais à Dieu) rejoint, en quelque sorte, celle de Jean-Sébastien Bach : Soli Deo Gloria.

Génériques : Dietrich Buxtehude, Prélude pour orgue en Do Majeur (BuxWV 137) Dietrich Buxtehude : Das Orgelwerk (Vol. 1) Praeludien, Toccata d-Moll, Luther-Choräle, par Helga Schauerte (à l’Orgue Arp Schnitger, Église Saint-Jacques, Hambourg) SYRIUS SYR 141347 DDD (2000).

Singet dem Herrn, BuxWV98 (introduction instrumentale) Dietrich Buxtehude, Vocal Music vol. 1. NAXOS CD 8. 557251

(Emission du Comité Protestant des Amitiés Françaises à l’Etranger, diffusée sur France-Culture à 8h25, le dimanche 5 août 2007.)

par Édith Weber,

Professeur émérite à l’Université Paris-Sorbonne

Lettre N°40

Un grand nombre de concerts et festivals, dont un à l’église allemande de Paris, ont émaillé l’année 2007, à l’occasion du tricentenaire de la mort de ce musicien méconnu.

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