Agrippa d’Aubigné, « l’image abrégée de son siècle » (Lettre 58)

Agrippa d'AubignéAgrippa d’Aubigné, écrivain calviniste, est aujourd’hui considéré comme une figure de premier plan de la littérature française de la Renaissance. A la fois acteur et témoin des guerres de religion, il en vécut toutes les contradictions qu’il sublima par la composition d’une œuvre qui le désigne comme un des plus grands écrivains baroques de son temps.

Né en 1552 en Saintonge, il reçut le prénom « Agrippa » en souvenir de sa mère morte en couches. A l’âge de sept ans, il connaissait le grec, le latin et l’hébreu, quand il fut jeté dans les guerres civiles lors de la conjuration d’Amboise, où il jura à son père de venger les suppliciés pendus aux tours du château. Fait prisonnier un peu plus tard, son premier acte de bravoure fut de déclarer au bourreau, qui lui demandait de choisir entre le bûcher et le reniement de sa foi, qu’il préférait l’horreur du feu à celle de la Messe. Il s’engagea dans l’armée huguenote à l’âge de quinze ans, en s’enfuyant de nuit du domicile paternel. Ayant échappé de justesse à la Saint-Barthélemy, il connut un échec amoureux auprès de Diane de Talcy, dont son recueil poétique, Le Printemps, évoque les tourments. Il épousa Suzanne de Lezay et consacra sa vie au service du roi de Navarre. Nommé gouverneur de Maillezais en 1589, il rompit avec Henri IV après l’abjuration du roi et se consacra à la défense exclusive du Parti. Sceptique sur l’Edit de Nantes, trahi par son fils Constans, le père de Mme de Maintenon, et menacé par Louis XIII, il s’enfuit à Genève en 1620, cité où il mourut le 9 mai 1630, laissant derrière lui une œuvre exceptionnellement riche.

Celle-ci est marquée au fer rouge des luttes protestantes du XVIe siècle et porte le vibrant témoignage de son engagement pour la défense de la Cause. Dans la Confession du sieur de Sancy, pamphlet d’une rare violence, il fustige les convertis. Dans Les Aventures du baron de Faeneste, un roman picaresque, il met en scène un matamore fanfaron qui vit uniquement pour le paraître. Son autobiographie, Sa Vie à ses enfants, relate les multiples péripéties de son engagement, tandis que l’Histoire universelle peint la gigantesque fresque des luttes huguenotes en France.

Enfin, le sublime poème des Tragiques, décrit en plus de 9 000 vers, les misères de la France ravagée par les guerres et l’injustice, célèbre les martyrs (hommes et femmes) du pur Evangile et annonce le Jugement dernier, quand Dieu rétablira sa justice dans toute sa gloire.

L’image finale de l’âme du poète-prophète qui « extatique se pâme au giron de son Dieu » est une des plus émouvantes de ce texte aux couleurs de sang et d’espérance.

C’est pour célébrer le quatrième centenaire des Tragiques que se tiendra les 21-23 septembre prochain à Niort un colloque international organisé par la Société des Amis d’Agrippa d’Aubigné.

 

 Gilbert Schrenck (Président de la Société des Amis d’Agrippa d’Aubigné)

(Chronique des Amitiés huguenotes internationales, diffusée sur France Culture, à 8 h 55, le dimanche 6 novembre 2016)

 

←Les Tragiques d’Agrippa d’Aubigné © S.H.P.F, page titre :
« Les Tragiques. Donnez au public par le larcin de Promethee.
Au Dezert, par L. B. D.   /   D. M. DC. XVI. » Format 4°
L’adresse typographique de la première édition anonyme des Tragiques, a été imprimée à Maillé, propriété acquise par Agrippa d’Aubigné, sur les presses de Jean Moussat qui a aussi imprimé l’Histoire Universelle. Agrippa se cache sous l’anonymat des initiales L.B.D.D., « le Bouc du Désert« .

 

 

Pour aller plus loin :

– Agrippa d’ AUBIGNÉ, Les Tragiques, édition établie par Franck Lestringant, Gallimard, Paris, 1995

– Éric DESCHODT, Agrippa d’Aubigné, le guerrier inspiré, Laffont, Paris, 1995

– Gilbert SCHRENK, La réception d’Agrippa d’Aubigné, Honoré Champion, Paris, 1995

 

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