Le réveil des coeurs, tour d’horizon du protestantisme français vu par le frère morave Fries en 1761-1762

Périple de Pierre Conrad Fries      Nous avons déjà évoqué Jean Hus et Comenius. Le mouvement issu de cette piété tchèque et du piétisme allemand rayonna jusqu’en France au XVIIIe siècle. Le journal de voyage de Pierre Conrad Fries que vous venez de retranscrire et publier aux éditions Le Croix Vif en constitue un témoignage exceptionnel !

 

En 1761-62, un clandestin fait un long voyage. C’est plus précisément un montbéliardais, déguisé en pharmacien et dûment muni d’un passeport établi à Genève, qui entreprend ce périple de 18 mois dans la France du Sud. Pierre Conrad Fries est un ancien pasteur luthérien ayant rejoint l’Unité des frères, dite Eglise morave. Comment fut-il accueilli en France ? Il est reçu à bras ouvert, par les « réveillés », ceux qui sympathisent avec la piété des frères moraves; en revanche parfois assez sèchement par ceux qui tiennent à l’ « orthodoxie ».

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Boissy d’Anglas, un ardéchois protestant défenseur des libertés

François-Antoine Boissy, voit le jour en 1756 à Saint-Jean-Chambre, en Vivarais. Issu de la bourgeoisie réformée ardéchoise, il participe à tous les régimes de la période révolutionnaire… On l’a comparé à un caméléon. Il n’a cependant rien d’une girouette ; c’est un homme de terrain pondéré et pragmatique, soucieux de préserver les acquis de la constitution de 1789 concernant les libertés individuelles, la justice civile et la tolérance.

Neveu de Marie Durand, son éducation et la mémoire familiale lui inspirent l’horreur du fanatisme, de l’injustice et de l’arbitraire. Son père meurt lorsqu’il a trois ans. Il est d’abord éduqué par sa mère et sa tante paternelle, puis, sur les conseils d’une tante préceptrice des enfants du Landgrave de Hesse-Cassel, (Mme Oudry) il poursuit ses études dans un collège parisien sous une pseudo nationalité suisse, ce qui le dispense de pratique catholique et lui permet d’assister aux cultes de la Chapelle de Hollande. Il fait son droit à Paris et à Orange. Marié à 20 ans à Marie-Françoise Michel, la fille du président du Présidial de Nîmes, il partage dans cette ville, pendant 10 ans, la maison du pasteur Paul Rabaut qui baptise ses enfants.

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De Montauban à Mayence, l’étonnante destinée d’André Jeanbon Saint-André

C’est avec un peu de retard que nous commémorons aujourd’hui le bicentenaire de la mort de Jean Bon Saint-André, décédé le 10 décembre 1813 à Mayence après une vie riche en péripéties.

André Jeanbon naît à Montauban le 25 février 1749 dans une famille de « facturiers », c’est-à-dire d’industriels du textile,

Gravure ronde de Jeanbon Saint-André
André Jeanbon par Jacques-Louis David 1795 (Art Institute de Chicago )

nombreux chez les protestants montalbanais, dans une ville où les trois quarts des négociants et des minotiers étaient « de la religion ».

La famille semble avoir été très présente au Désert et active dans la maintenance et la reconstitution des Eglises réformées. Notons que dans les années 1744-1745, la région montalbanaise avait connu la renaissance de l’Eglise et la tenue d’importantes assemblées que l’Intendant avait fini par juguler. Puis, à partir de 1750, des pasteurs avaient pu organiser les Eglises du Montalbanais.

De 1759 à 1765, le jeune André fait ses études au collège de sa ville natale. En 1765-66, il étudie la marine à Bordeaux et est officier de marine jusqu’en 1771. Dégoûté de la marine par des naufrages où il faillit perdre la vie, il se rend à Lausanne, au séminaire fondé par Antoine Court, où il se prépare au ministère pastoral. Il y reste jusqu’à sa consécration, le 21 avril 1773. Avant de quitter Lausanne, Jeanbon, selon la coutume du Désert, prend le pseudonyme catholique de Saint-André (comme Rabaut prend celui de Saint-Etienne).

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Nouvelles du Protestantisme français (Lettre 50)

Protestants en Fête 27-29 septembre 2013 à Paris : pendant trois jours, des stands présentant tous les partenaires du protestantisme accueilleront le public dans les jardins de Bercy. Un culte dans le Palais Omnisports de Paris-Bercy sera accompagné de 1000 choristes le dimanche matin, un concert rassemblera la jeunesse le samedi soir, et des animations seront prévues en d’autres lieux et temples parisiens. Le Comité participera à ce rassemblement avec un stand probablement partagé avec la SHPF (Société de l’Histoire du Protestantisme Français) et le CPED (Centre Protestant d’Etude et de Documentation). Ce sera une occasion de faire connaître nos activités, et de promouvoir les principaux acteurs de la mémoire culturelle du protestantisme dans l’hexagone que sont les musées protestants et lieux de mémoire. Nous solliciterons l’aide de plusieurs volontaires pour assurer une permanence, distribuer des tracts, renseigner les gens. Le site www.protestantsenfete2013.org/ vous permettra de suivre le développement du projet et les paroisses relaieront les informations.

Logo stylisé de l'église protestante unieLa décision d’union prise par l’Eglise réformée de France et l’Eglise évangélique Luthérienne de France lors des synodes nationaux de mai 2012 a fait son chemin. Les paroisses ont voté cet automne leurs nouveaux statuts et l’Eglise protestante Unie de France tiendra son 1er synode national les 9‐12 mai 2013 à Lyon. Le logo stylisé évoque la colombe des réformés, au cœur de laquelle on reconnait la rose de Luther.

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Les restaurateurs du protestantisme au XVIIIe s. Antoine Court, Pierre Corteiz et Jacques Roger

La prochaine réunion internationale des descendants de huguenots, qui aura lieu en septembre prochain en Ardéche et dans la Drôme, sera l’occasion de croiser les chemins de deux personnalités hors du commun qui, toutes deux, ont contribué, au XVIIIe siècle, à la restauration du protestantisme en France : Antoine Court, né en 1695 à Villeneuve … Lire la suite

Marie Durand

Photo de la maison de la famille Durand au Bouschet de Pranles
MAISON DE LA FAMILLE DURAND AU BOUSCHET DE PRANLES, MUSEE DU VIVARAIS PROTESTANT

En Allemagne, dans une petite ville du Land de Hesse, Bad Karlshafen, l’école s’appelle Schule Marie Durand. En France même, il y a deux écoles privées qui portent ce nom, une à Nîmes, l’autre à Marseille, ainsi qu’un lycée public, le lycée agricole de Nîmes. On trouve aussi une rue Marie Durand à Montpellier et une maison de retraite en Alsace. Si cette année on commémore le troisième centenaire de la naissance de Marie Durand, en 1711, si elle est inscrite au titre des célébrations nationales, si on donne son nom à des institutions, c’est que par sa vie, cette femme a pris une grande valeur symbolique.

Il faut d’abord rappeler qui elle est. Elle est donc née en 1711, au Bouschet-de-Pranles, dans le Vivarais, au nord de Privas. Son père, Etienne Durand, est « greffier-consulaire » en même temps que propriétaire terrien. La magnifique maison forte du XVe siècle qu’ils habitaient est aujourd’hui le Musée du Vivarais protestant. Marie a un frère aîné, Pierre, né en 1700. Ils reçoivent tous deux une instruction poussée, sur laquelle on ne sait rien mais qui permet à Pierre, dès l’âge de 16 ans, d’assister les pasteurs clandestins, avant de parfaire ses études de théologie en Suisse. Quant à Marie, on peut juger de son haut niveau d’instruction par sa correspondance. Les deux enfants doivent se rendre à la messe catholique et suivre la catéchisme, mais ils reçoivent à la maison une éducation protestante.

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La Fortune de Richard Wallace

Lord Hertford Richard Wallace
Lord Hertford Richard Wallace
Le 25 août 1870, tandis que Paris se prépare à résister au siège des armées allemandes, le marquis de Hertford, pair d’Angleterre, s’éteint dans son château de Bagatelle, en bordure du bois de Boulogne. Célibataire et sans enfant, il laisse une immense fortune et une collection d’œuvres d’art digne des plus grands musées nationaux. Ce patrimoine, assemblé par plusieurs générations d’une illustre famille de l’aristocratie britannique, va connaître un étrange destin. On trouve un testament dans un tiroir de la chambre du défunt. Par la vertu d’un bref codicille, l’intégralité des biens revient à Richard Wallace, le secrétaire de Lord Hertford.

Qui est ce Richard Wallace, héritier inattendu d’une telle fortune, dont la remarquable collection de Londres, porte le nom ?

Enfant, il fut abandonné dans une loge de concierge. Puis recueilli par MieMie, la mère du marquis de Hertford. Serait-il un descendant illégitime de cette famille ?

Ou bien, ce grand philanthrope, celui qui dota Paris des « fontaines Wallace », finança la reconstruction du temple de Neuilly, détruit par les armées prussiennes, serait-il un usurpateur ayant détourné un héritage à son profit ?

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Une famille huguenote, les frères Merle d’Aubigné

La Graveline au début du XIXe siècle Dessin de Melle Clémentine Brélaz
Trois livres parus autour de 1830, épuisés et pratiquement introuvables viennent d’être réédités, en un seul volume, abondamment illustré, sous le titre : Une famille huguenote, les frères Merle d’Aubigné. Ils étaient trois frères, nés à la fin XVIIIe, dont la carrière aura trois grandes orientations : l’aîné en Amérique, le second en Europe, le cadet entre les Etats-Unis et la France. Leur double nom vient du fait qu’un grand-père venu de Nîmes avait épousé en 1743 une des filles du dernier d’Aubigné de Genève, descendant du célèbre Agrippa. Madame de Maintenon, épouse de Louis XIV, avait fait miroiter la promesse d’un évêché à son cousin Samuel, le grand-père de la mariée, s’il rentrait dans le rang. Il n’en fut naturellement pas question.

Le fils aîné, Guillaume, part très jeune faire un apprentissage à Hambourg et fait la difficile traversée de l’Atlantique. Il commence par échouer aux Bermudes et il raconte avec humour comment on pêche à la baleine. Il découvre New York en 1815 et décrit les Quakers de Philadelphie avec beaucoup d’ironie… Le journal de sa traversée et ses lettres à sa famille ont été publiés en partie à Washington en 1935 mais seulement en français… dommage pour les lecteurs américains. Leur traduction est maintenant chose faite.

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Hommage à Dietrich Buxtehude (v. 1637-1707) pour le tricentenaire de sa mort

Dietrich Buxtehude
Dietrich Buxtehude
En cette année 2007, marquant le troisième Centenaire de la mort de Dietrich Buxtehude, nous voudrions lui rendre hommage et attirer l’attention des mélomanes, organistes, chefs de chœur et pasteurs, sur l’apport hymnologique et organistique considérable de ce musicien luthérien et germano-danois. Sa production vocale et instrumentale le situe entre Heinrich Schütz (1585-1672), « père de la musique protestante allemande » et Jean-Sébastien Bach (1685-1750), Cantor de Leipzig, tout en rappelant, comme il ressort de notre bref générique, l’école organistique d’Europe du Nord.

Dietrich Buxtehude est né à Oldesloe (dans le Holstein) vers 1637, et mort à Lübeck, le 9 mai 1707. Son père, organiste, s’est installé, dès 1639 en Suède, à Hälsingborg. En 1657, Dietrich, alors âgé d’environ 20 ans, y occupe déjà le poste d’organiste de l’Église Sainte Marie. Trois ans après, il est appelé à l’Église allemande d’Elseneur (ou Helsingor). En 1668, il succède à Franz Tunder (1614-1667) comme organiste à la célèbre Marienkirche dans la ville hanséatique de Lübeck. Il devait y jouer le dimanche pour les cultes du matin et de l’après-midi, les jours de fête et les vêpres du jour précédent, ainsi que pendant la Cène. Il y relance la tradition des Abendmusiken (Musiques du soir), cycles de cantates interprétées en dehors du culte, pendant le temps liturgique de l’Avent. De nombreux marchands se rencontraient à Lübeck, et la réputation de ces auditions dépassa rapidement le cadre de la ville.

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Les origines familiales de Jean-Jacques Rousseau

Jean-Jacques Rousseau
Post tenebras lux. Le siècle des Lumières est en grande partie l’un des aboutissements du Refuge protestant qui remonte au XVIe siècle. Le cas singulier de Jean-Jacques Rousseau, « citoyen de Genève », en fournit l’illustration. Les Rousseau étaient les rejetons de ce Refuge protestant, qui étendait à l’Europe et à l’Amérique ses ramifications. Comme tant de Genevois, Rousseau avait pour ancêtres ces Français  » réfugiés pour la foi  » qui, dès le siècle des Réformes, avaient couvert l’Europe de leurs établissements, de Londres à Amsterdam, d’Amsterdam à Strasbourg et à Francfort, de Francfort à Genève… La mobilité est d’abord familiale. Presque génétique. On ne naît quelque part que par l’un de ces accidents de l’histoire, transformés en Providence. Rousseau fut à la fois le plus providentiel des Genevois, et le plus inclassable.

Affaire de lignage si l’on veut. Comme Robinson Crusoë, le personnage créé par Daniel Defoe, Jean-Jacques fut un fils prodigue. Du côté paternel, il descendait d’une famille, installée sur les bords du Léman du temps de la Réforme. Natif de Montlhéry, non loin de Paris, son quadrisaïeul Didier Rousseau avait été reçu comme habitant de Genève le 15 octobre 1549. Il s’était d’abord installé comme marchand de vin, à l’enseigne de La Main. Six ans plus tard, il était reçu bourgeois de la ville, en compagnie de plusieurs Français, favorables à Calvin. Il reprit alors la profession paternelle de libraire, tout en tenant une auberge, à l’enseigne cette fois-ci de l’Épée couronnée. Il devait épouser en seconde noce Mie Miège, originaire de Contamine-sur-Arve, en Savoie. Il mourut en 1581, en laissant un fils, Jean Rousseau, trisaïeul de Jean-Jacques, mis en apprentissage chez un tanneur.

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