François Guizot et le protestantisme (Lettre 73)

par André Encrevé

Portrait de François Guizot par Paul Delaroche 1839« Je meurs dans le sein de l’Église chrétienne réformée de France où je suis né et où je me félicite d’être né » écrit François Guizot au début de son testament. A l’occasion du 150e anniversaire de sa mort, il m’a semblé opportun de nous intéresser au rôle que ce grand universitaire, homme politique très actif jusqu’en 1848, a joué dans la vie du protestantisme français.

Dans le domaine institutionnel, il est le président de la Société biblique 1855 à 1868 et le président de la Société pour l’encouragement de l’instruction primaire parmi les protestants de France de 1852 à 1872.

 

Il est aussi membre du consistoire de l’Église réformée de Paris 1815 à 1874, soit pendant 59 ans, ce qui doit être une sorte de record. Dans les années 1860 cette Église est le théâtre d’une très vive querelle entre la tendance évangélique et la tendance libérale. Et Guizot, le plus illustre des évangéliques, y joue un rôle très important, modérant souvent les ardeurs de certains de ses amis. Il est aussi l’un des principaux orateurs de la tendance évangélique lors du synode de 1872, seul synode officiel du XIXe siècle, et son intervention en faveur de l’adoption d’une Déclaration de foi y est très remarquée.

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L’entourage féminin de François Guizot (Lettre 73)

par Gabrielle Cadier-Rey

Les portraits que nous avons de François Guizot montrent tous un homme sévère, guère souriant. Un homme d’Etat conscient de son importance politique et sociale. Or il existe un autre François Guizot, l’homme privé, que nous révèle son abondante correspondance, surtout féminine.
Guizot eut de solides amitiés masculines, le plus souvent liées à la politique, mais c’est la compagnie des femmes qu’il préférait. Il n’était pas seulement sensible à leur beauté ; il appréciait leur intelligence, leur culture, leur profondeur morale.

On peut en citer plusieurs qu’il aima « fraternellement » (c’est son expression) comme Albertine de Staël, duchesse de Broglie, Cordélia de Castellane, la comtesse de Rémusat, Mme Lenormant, ou Laure de Gasparin avec qui il échangea des centaines de lettres souvent passionnées. A cette époque où la vie de salon est si importante, il eut plusieurs tendres amies. Avec la princesse de Lieven, alors que tous deux étaient veufs, il entretint une longue et fidèle liaison.

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Augustine Soubeiran, une cévenole et philanthrope féministe en Australie (Lettre 73)

par Christiane Guttinger

En-tête Rapport du Comité Protestant français  à l'étranger Il y a près d’un siècle, en 1934 le rapport annuel du Comité protestant des Amitiés françaises à l’étranger (nom de l’époque des Amitiés huguenotes internationales) consacrait un article à « Une grande française, Augustine Soubeiran, née à St-Jean-du-Gard en 1858 et décédée en Australie, en 1933.

Depuis quelques années, l’historienne de St-Jean-du-Gard, Nelly Duret, s’est attachée à retrouver ses traces et à faire revivre le destin extraordinaire de cette « Cévenole et philanthrope féministe en Australie » par un livre, l’inauguration d’une place et une exposition dans le temple de St-Jean-du-Gard

Augustine Soubeiran, perd sa mère à 11 ans. Ses oncles, filateurs à Anduze, l’envoient parfaire son éducation pendant 4 ans dans un pensionnat à Lausanne. Brillante, elle assimile tout l’enseignement proposé aux filles selon une tradition huguenote éclairée par les pédagogues suisses.

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Henri Zuber et François Ehrmann mis à l’honneur à Bourron-Marlotte (Lettre 73)

par Etienne Bertrand.

Le village de Bourron-Marlotte, au cœur de la forêt de Fontainebleau, attire depuis le XIXe siècle, de nombreux artistes, peintres, céramistes, écrivains…, attirés par le charme de ces deux villages (Bourron et Marlotte) aujourd’hui réunis et la nature qui les entoure. Moins connu que Barbizon qui a donné son nom à une école de peinture, Bourron-Marlotte est riche d’un important patrimoine lié aux artistes qui y ont résidé, notamment un remarquable Mairie-Musée qui présente une importante collection d’œuvres réalisées par des artistes ayant fréquenté le village. Les Amis de Bourron-Marlotte mettent en valeur le patrimoine bâti de la commune en apposant des plaques sur les maisons du village occupées par des artistes. Le 21 juin 2025, une nouvelle plaque a été posée à la mémoire de deux peintres protestants : François Ehrmann (1833-1910) et Henri Zuber (1844-1909) qui ont séjourné plusieurs étés à Bourron, dans deux maisons de la rue Marceau se faisant face. Une exposition de quelques-unes de leurs œuvres a été présentée dans une salle d’exposition de la commune.

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Théophile-Alexandre Steinlen,(1859-1923), une exposition présentée au Musée de Montmartre, à Paris (Lettre 72)

par Christiane Guttinger

Affiche de l'exposition Steinlen : portrait d'une femme en bleu.De l’artiste Théophile Steinlen, nous connaissons les croquis de chats saisis sur le vif et l’affiche emblématique du cabaret du Chat Noir. L’exposition monographique qui lui est actuellement consacrée au Musée de Montmartre[1], à l’occasion du centenaire de sa mort, révèle un artiste complet, protéiforme, dessinateur, graveur, affichiste, peintre et sculpteur.

Suisse, né dans une famille bourgeoise de Vevey, Steinlen abandonne au bout de deux ans[2] des études de théologie entreprises à l’académie de Lausanne. A Mulhouse où l’accueille un de ses oncles il s’initie au dessin d’ornement industriel, à la gravure destinée à l’impression sur étoffes. Mais il aspire à plus de liberté ! En 1881, il débarque à Paris avec sa future femme et quelques sous en poche. et s’installe sur la Butte Montmartre.

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Benjamin Delessert,une personnalité éclairée qui a marqué la botanique, l’industrie et la politique sociale des débuts du XIXème siècle (Lettre 72)

par Christiane Guttinger

Affiche de l'exposition de la bibliothèque botanique : une fleur avec un papillon.Les 250 ans de la naissance de Benjamin Delessert, à Lyon en 1773, sont commémorés à la bibliothèque Mazarine [1] par une exposition dédiée à sa collection botanique.

La passion pour la botanique est partagée par cette famille huguenote exilée depuis la Révocation dans le Canton de Vaud, active dans la banque et l’industrie à Genève, Lyon et Paris au XVIIIe siècle. La mère de Benjamin est déjà destinataire des Lettres sur la botanique de Jean-Jacques Rousseau (1773). Son frère aîné Etienne, et Benjamin correspondent avec des botanistes et explorateurs du monde entier, enrichissant les herbiers par des échanges et achats dans un but scientifique affirmé. Benjamin s’associe avec le genevois Augustin-Pyrame de Candolle à la parution [2] de cinq luxueux volumes, illustrés de planches-couleur très artistiques de Pierre Jean François Turpin (1775-1840) et constitue une bibliothèque spécialisée. S’intéressant aussi aux coquillages, il en réunit également une très riche collection[3].

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Alpinisme et protestantisme (Lettre 72)

par Thierry Rousset

« L’admiration de la montagne est une invention du protestantisme » écrit André Gide dans son Journal (27 janvier 1912).

Rien d’étonnant que les protestants regardent vers la montagne, tellement présente dans la Bible, depuis l’arche de Noé échouant sur une montagne, la révélation des tables de la Loi à Moise au Sinai, Elie au mont Horeb, Sion la montagne du Temple, les épisodes clé de la vie du Christ : les Béatitudes, l’arrestation au Mont des Oliviers, la crucifixion, la Transfiguration.

Les Alpes occidentales ont un lien historique avec le protestantisme, en Suisse bien sûr, en France, où le calvinisme se diffuse largement dans le Dauphiné sous l’impulsion de Farel, dans le piémont italien. Alexis Muston en 1851 rend hommage à l’épopée des Vaudois du Piémont dans L’Israel des Alpes : première histoire complète des vaudois du Piémont  et de leurs colonies. Lors de la Glorieuse Rentrée, en 1689, les Vaudois réfugiés à Genève, parcourent 200 km jusqu’ à Torre Pellice via le Mont Cenis. Aujourd’hui les randonneurs aguerris parcourent le sentier international des huguenots français et des vaudois italiens, à travers 4 pays : la Suisse, l’Italie, l’Allemagne et la France.

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L’Europe des Lumières 1680-1820 (Lettre 72)

1ere de couverture : l'Europe des Lumières.Les éditions Perrin viennent d’avoir l’heureuse idée de publier une remarquable synthèse sur L’Europe des Lumières, 1680-1820, due aux plumes de Bernard et Monique Cottret.

 

Dès 1684 le philosophe Pierre Bayle baptise les temps nouveaux : « Nous voilà dans un siècle, écrit-t-il, qui va devenir de jour en jour plus éclairé ». Le continent européen est effectivement envahi par une vague d’optimisme. La raison, la science, la tolérance, le droit, la liberté, la poursuite du bonheur individuel et collectif dessinent un paysage nouveau, pénètrent les esprits et modifient les comportements. [Lumières, Enlightenment, Aufklärung, Illuminismo, Ilustracion, Iluminismo…] Une même ambition éclairée se réfracte dans les différentes langues de l’Europe occidentale. Bernard et Monique Cottret ont inscrit cette dynamique dans un cadre chronologique et politique. Le vent des Lumières souffle d’Ouest en Est : de « la prise de conscience européenne » (1680-1750) aux « Lumières militantes » (1750-1780), puis à la rencontre des révolutions et contre-révolutions (1780-1820).

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Sarah Monod (Lettre 71)

 par Gabrielle Cadier-Rey   En 2014, 94 % des rues et espaces parisiens portaient des noms masculins. Depuis, un effort de la municipalité a porté à 12 % la part des noms féminins, ce qui a permis de rappeler le souvenir de femmes remarquables. Et c’est ainsi qu’en juin dernier la Ville de Paris a … Lire la suite

Centenaire de la mort de Pierre LOTI (1850-1923) – (Lettre 71)

par Thierry Mourgue

 

Commémoration des 100 ans de la mort de Pierre Loti

Il y a 100 ans nous quittait Pierre Loti.

Si aujourd’hui cet écrivain prolifique est peu lu et relativement oublié, on ne mesure pas à quel point il fut un auteur à succès au tournant du XXe siècle.

Julien Viaud, allias Pierre Loti, est né à Rochefort en 1850 dans une famille protestante. Sa mère, née Texier, est originaire de l’île d’Oléron. Famille austère, entièrement acquise à l’étude et à la lecture de la Bible ; Pierre Loti évoquera dans Le roman d’un enfant l’ambiance pieuse dans laquelle il a grandi.

Le jeune Julien Viaud ne sera pas pasteur comme il l’a envisagé. Il aime écrire et correspondre avec sa famille, surtout son frère aîné, Gustave, chirurgien de marine, dont les voyages en mer l’émerveillent. Hélas ce dernier meurt subitement lors de son retour d’Indochine. Loti n’a que 15 ans et en est dévasté.

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