Une famille huguenote, les frères Merle d’Aubigné

La Graveline au début du XIXe siècle Dessin de Melle Clémentine Brélaz
Trois livres parus autour de 1830, épuisés et pratiquement introuvables viennent d’être réédités, en un seul volume, abondamment illustré, sous le titre : Une famille huguenote, les frères Merle d’Aubigné. Ils étaient trois frères, nés à la fin XVIIIe, dont la carrière aura trois grandes orientations : l’aîné en Amérique, le second en Europe, le cadet entre les Etats-Unis et la France. Leur double nom vient du fait qu’un grand-père venu de Nîmes avait épousé en 1743 une des filles du dernier d’Aubigné de Genève, descendant du célèbre Agrippa. Madame de Maintenon, épouse de Louis XIV, avait fait miroiter la promesse d’un évêché à son cousin Samuel, le grand-père de la mariée, s’il rentrait dans le rang. Il n’en fut naturellement pas question.

Le fils aîné, Guillaume, part très jeune faire un apprentissage à Hambourg et fait la difficile traversée de l’Atlantique. Il commence par échouer aux Bermudes et il raconte avec humour comment on pêche à la baleine. Il découvre New York en 1815 et décrit les Quakers de Philadelphie avec beaucoup d’ironie… Le journal de sa traversée et ses lettres à sa famille ont été publiés en partie à Washington en 1935 mais seulement en français… dommage pour les lecteurs américains. Leur traduction est maintenant chose faite.

Ami Merle d’Aubigné, le cadet au curieux prénom est enrôlé très jeune dans l’armée napoléonienne. Démobilisé en 1815, il rejoint son frère Guillaume aux Etats-Unis et ouvre un comptoir à La Nouvelle-Orléans. Il y épouse la fille d’un riche planteur aussi d’origine huguenote. Un de ses petits-fils, le général Philippe Jordan, a écrit sa biographie sous la forme de Souvenirs relatant la vie quotidienne en Louisiane avant la guerre de Sécession, avec son lot d’esclaves – dont on considérait encore la condition comme normale. Ruiné par la guerre civile, Ami en voudra à Lincoln et se réjouira même de son assassinat, d’autant plus que son fils Oscar était mort à la bataille de Vicksburg contre les nordistes en 1863.

Outre la vie en Amérique de ces deux frères, il nous faut revenir à Genève où une petite rue abrite le terminus d’un autobus, qui ballade ainsi le nom Merle d’Aubigné dans toute la ville… La rue est un double hommage : elle marque d’abord l’emplacement où un précurseur, Aimé-Robert Merle, avait créé le premier établissement de natation du lac Léman. La rue est en fait située à l’emplacement de la propriété de famille, “ La Graveline ”, morcelée en 1912. C’est là qu’on peut voir une plaque à la mémoire de son plus illustre habitant, le pasteur Jean-Henri Merle d’Aubigné. C’était en effet un grand prédicateur. Sa voix a été comparée à celle de Jenny Lind, la Callas de l’époque. Jean-Henri, Henri en famille, a surtout écrit dès 1835 une Histoire de la Réforme en plusieurs volumes, qui l’avait rendu fort célèbre au point que ses œuvres ont été publiées de son vivant en plusieurs langues. Il était si connu en Amérique que son nom était même donné aux enfants ; ainsi le prénom de la célèbre actrice Merle Oberon… Dans un souci de liberté d’expression le pasteur avait rejoint l’église dissidente de Genève avec César Malan, Félix Bungener, Frédéric Monod et Louis Appia. Avec lui, Merle d’Aubigné sera l’un des fondateurs de la Croix-Rouge internationale. Il parlait bien sûr plusieurs langues, car il avait été étudiant à Berlin, puis pasteur à Hambourg. Longtemps après, il sera fait bourgeois d’honneur d’Edimbourg en Ecosse, alors que sa seconde femme était irlandaise.

C’est sa fille, Blanche Bieler, qui a admirablement raconté toute cette histoire dans son ouvrage “ Une famille du refuge ” qui vient de reparaître.

(Emission du Comité Protestant des Amitiés Françaises à l’Etranger, diffusée sur France-Culture à 8h25, le dimanche 4 novembre 2007.)
par Eric Bungener
Lettre N°40

Bibl. Une famille huguenote, de Genève à l’Amérique, les trois frères Merle d’Aubigné.

Ces trois livres imprimés vers 1930, introuvables, ont fait l’objet d’une réédition globale, complétée d’illustrations, de notes, d’arbres généalogiques, en 2006, 360 pages au format « italien (268 x 240mm), plus la traduction en anglais sur demande. A commander auprès d’E. Bungener, 107 rue de la Mirande, F-84330 Caromb, tél.06 81 91 06 48, Fax 04 90 62 47 75, courriel : ebungener@orange.fr 120 € hors port ADDSS ; pour la traduction en anglais, sans illustrations : 50 € hors port.

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