par Christiane Guttinger
Il y a près d’un siècle, en 1934 le rapport annuel du Comité protestant des Amitiés françaises à l’étranger (nom de l’époque des Amitiés huguenotes internationales) consacrait un article à « Une grande française, Augustine Soubeiran, née à St-Jean-du-Gard en 1858 et décédée en Australie, en 1933.
Depuis quelques années, l’historienne de St-Jean-du-Gard, Nelly Duret, s’est attachée à retrouver ses traces et à faire revivre le destin extraordinaire de cette « Cévenole et philanthrope féministe en Australie » par un livre, l’inauguration d’une place et une exposition dans le temple de St-Jean-du-Gard
Augustine Soubeiran, perd sa mère à 11 ans. Ses oncles, filateurs à Anduze, l’envoient parfaire son éducation pendant 4 ans dans un pensionnat à Lausanne. Brillante, elle assimile tout l’enseignement proposé aux filles selon une tradition huguenote éclairée par les pédagogues suisses.
Née dans une famille d’instituteurs, Augustine s’intéresse à l’enseignement du français, rêve de liberté et d’indépendance. Peu de métiers s’ouvrent à elle… Engagée comme gouvernante-préceptrice dans une famille écossaise en Grande-Bretagne, elle se trouve bridée… mais entend parler du Comité australien d’encouragement à l’émigration de femmes célibataires en Australie, qui offre le voyage et facilite l’installation : elle s’embarque pour l’aventure.
A Sydney, alors en plein développement, elle fréquente le milieu français, participe à la création d’une bibliothèque française et de l’Alliance française de Sydney en 1895. Avec l’anglaise Louisa Gurney, fille de pasteur qui a fait des études de mathématiques, elle fonde un pensionnat de jeunes filles, l’école de Kambala. Elles y dispensent une éducation franco-britannique, empreinte de valeurs huguenotes, humanistes et féministes, attachées au développement de la personnalité, et à préparer les jeunes filles à des études supérieures. Ces méthodes novatrices lui valent d’être nommée par la France, Officier de l’instruction publique en 1911.
En 1914, tout juste retraitée, Augustine Soubeiran crée la Ligue franco-australienne de soutien aux soldats, veuves et orphelins suscitant sans relâche des dons, et incitant ses anciennes élèves à tricoter des choses chaudes en bonne laine mérinos. Elle en achemine elle-même le premier chargement en France en 1917.
En 1918, seule femme, elle participe à la Mission française en Australie menée par le général Pau, qui fera étape à Londres, New-York et San Francisco, multipliant conférences et appels aux dons pour la reconstruction des régions dévastées, dont celle d’un village des Ardennes qui se rebaptisera Poilcourt-Sydney en 1921. La Légion d’honneur est attribuée à Augustine Soubeiran le 22 juin 1933 en tant qu’« ancienne directrice de pensionnat à Sydney, ayant contribué à former une élite de jeunes femmes » à qui elle avait « appris à connaître la France et à l’admirer », contribuant à la levée de fonds pour les orphelins de guerre… mais le courrier de la Chancellerie l’en avertissant arriva trop tard : elle était décédée en mai…
L’hommage récent de Nelly Durant à Augustine Soubeiran par un livre et une exposition dans le temple de Saint-Jean-du-Gard en 2024, ont fait revivre la personnalité oubliée d’une courageuse cévenole qui, par son intelligence et sa ténacité intrépide renforça les liens entre la France et l’Australie dans le 1er tiers du XXe siècle.
(Chronique des Amitiés huguenotes internationales diffusée à la fin de l’émission SOLAE, sur France-Culture, le dimanche 9 février 2025, à 8h55