L’Eglise protestante espagnole (Lettre 67)

par Christiane Guttinger

 

Toute velléité de Réforme en Espagne fut impitoyablement éradiquée par l’Inquisition[1], et cependant une Bible en espagnol publiée à Amsterdam en 1602[2].

L’Eglise protestante espagnole (IEE, Iglesia evangelica espaniola), ne sortit ainsi de la clandestinité qu’en 1869, fondée l’année où une nouvelle constitution monarchique et libérale, accorda la liberté de culte. Sa première assemblée générale se tint à Séville en 1872, sous la dénomination d’Église chrétienne espagnole, devenue au XXe siècle, Eglise évangélique espagnole.

En 1980, après le rétablissement de la monarchie constitutionnelle, l’Etat ne reconnaissant qu’un seul représentant par confession – autre que juive, musulmane ou catholique – la poussa à œuvrer à la création d’une Fédération, la FEREDE, regroupant les églises protestantes, rejointes par les orthodoxes et les adventistes. Toutes Eglises confondues, l’Espagne compte un million de protestants sociaux dont 300 000 pratiquants. L’Eglise protestante espagnole est une église unie[3] qui regroupe réformés, presbytériens, congrégationalistes, méthodistes et luthériens issus de missions étrangères présentes depuis la fin du XVIIIes, et compte 3 000 membres. Sa confession de foi est très proche de la confession de foi suisse.

Son siège est à Madrid[4] au temple El Salador →photo du temple El Salvador à Madrid

Vingt pasteurs, dont 1/3 de femmes, desservent une trentaine de communautés réparties en sept presbytères régionaux – Andalousie, Catalogne, Levant, Madrid-Extrémadure, Mallorque, Minorque, et Nord – regroupant parfois plusieurs églises locales.

Un synode général se réunit au moins tous les deux ans, et élit un conseil de 7 membres pour 4 ans. Les futurs pasteurs[5] sont formés au Séminaire protestant uni de Madrid. Un lieu est dédié aux archives historiques.

Le travail social y occupe une place importante, avec trois fondations, dix associations et des œuvres sociales au budget dix fois supérieur à celui de l’Eglise. Elle compte plusieurs maisons de retraite, écoles et collèges, une maison d’édition. Trois centres accueillent réunions, conférences, camps et retraites, dont le Centre œcuménique Los Rubios à Malaga qui accueille aussi des vacanciers.

Engagée dès sa création dans la Commission d’aide aux réfugiés (CEAR), elle prend part à leur accueil, à l’hébergement d’urgence et leur intégration. Attentive au respect des droits de l’Homme et à la justice, elle pratique une théologie ouverte favorable aux libertés humaines. Elle est inclusive, accueille tout le monde, mais ne célèbre pas de bénédiction de couples de même sexe.

L’Eglise protestante espagnole fut soutenue par les réformés français. Vers 1900, le pasteur Albert Cadier (1879-1929) favorisa les échanges des deux côtés des Pyrénées au sein de la Mission du Haut Aragon, et la publication de la revue, L’Etoile du Matin qui a fêté son centenaire en 2009. Après la 2ème guerre mondiale, l’Association Franco-Suisse ProHispania prit le relai et les paroisses du Béarn entretiennent toujours des échanges transfrontaliers[6].

(Culture protestante, chronique mensuelle des Amitiés huguenotes internationales, diffusée sur France Culture, à 8 h 55, le 3 janvier 2021).

 

Pour aller plus loin :

Plusieurs articles des pasteurs Nicolas Boutié, Corinne Gendreau, Frédéric Genty, et Gérard Machabert publiés dans les journaux Paroles protestantes (Octobre 2020), Ensemble et Le Cep, ont récemment attiré notre attention. Nous en avons repris beaucoup d’éléments, et les en remercions.

Fausto Berto, Les sources du protestantisme espagnol, Site prohispania.org.

Sonia Belleau, La mission française du haut-Aragon à Jaca (1919-1961), Ed. CEPB (Centre d’études du protestantisme Béarnais), 2001.

Pablo Garcia Rubio, traduction de Robert Darrigand, Chronique de la Mission française en Haut-Aragon, à l’occasion de son centenaire, discours prononcé à Jaca, 2006, sur le Site cepb.eu

Carole Gabel, De l’assistance à l’entraide : la fondation de la Fraternité d’Oloron-Sainte-Marie par le pasteur Albert Cadier (1879-1929), dans Céline Borello, Les œuvres protestantes en Europe, Presses Universitaires de Rennes, 2013.

 

[1] Deux grands autodafés furent entre autres, organisés à Valladolid et à Séville

[2] Grace à deux moines du monastère de San Isidro del Campo de Séville en exil, Cipriano de Valeira et Casiodoro de la Reina, (1520-1594). Ce dernier réfugié à Genève connut Calvin et traduisit ses œuvres.

[3] Elle avait intégré le Conseil œcuménique des églises à sa fondation en 1948.

[4] Temple El Salvador, Calle Noviciado 5 à Madrid de style néo-mudéjar et siège de la IEE

[5] De l’Église protestante espagnole (union réformée et méthodiste) ainsi que de l’Église réformée épiscopalienne espagnole (anglicane)

[6] Au moins une fête annuelle, tantôt à Jaca, tantôt à Osse en Aspe.

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