La collection suisse Hahnloser-Bühler présentée au musée Marmottan (Lettre 57)

Affiche du musée Marmottan MonetSous l’affiche « Villa Flora, les temps enchantés », le musée Marmottan-Monet présente actuellement à Paris une partie de la magnifique collection Arthur et Hedy Hahnloser-Bühler.

Désirant éviter la dispersion de la collection, les descendants Hahnloser ont généreusement ouvert au public, depuis 1995, la villa-musée de Winterthur, en Suisse alémanique. Mais, suite au désengagement financier de la ville, le musée est provisoirement fermé et menacé. Une partie de la collection est ainsi présentée à l’étranger en attendant une solution pérenne.

Hedy Hahnloser-Bühler, fille de Karl Bühler-Blumer, est née en 1873 dans une famille protestante d’industriels du textile possédant des filatures à Winterthur. Elle fait des études de dessin à Saint-Gall et suit une courte formation de peinture à Munich. En 1898 elle s’installe à la Villa Flora, située en bordure de la vieille ville de Winterthur. Elle crée des objets d’arts décoratif, dessine des papiers peints et des tissus, des jouets et meubles pour enfants.

 

Après 7 ans d’attente dus à l’opposition des familles à un mariage mixte, elle épouse un catholique, le médecin-ophtalmologue Arthur Hahnloser, avec lequel elle partage son attirance pour la production artistique contemporaine.

Ils s’entourent d’artistes suisses, dont plusieurs protestants, qui deviennent des amis. Ils acquièrent des toiles colorées de Giovanni Giacometti (père d’Alberto et de Diego), des massifs montagneux aux teintes bleutés de Ferdinand Hodler.

En 1908, ils rendent visite à Félix Vallotton qui habite alors Paris. Celui-ci leur fait connaître les artistes d’avant-garde encore peu connus de la mouvance Nabi et Fauve.

Henri Manguin séjournera souvent à la Flora, ce dont témoigne une toile particulièrement colorée. Entre achats et cadeaux de peintres, ils constituent petit à petit une collection qui les amène, avec les architectes locaux, Robert Rittmeyer et Walter Furrer, à agrandir la maison.

Les portraits de famille et tableaux exposés à Marmottan restituent l’ambiance accueillante de la villa, qui se transforme en galerie privée – maison d’artistes. Les portraits des collectionneurs par Vallotton accueillent le visiteur. Bonnard les représente lors d’une sortie en bateau. Vuillard croque une Partie de Dames dans le jardin, en vue plongeante.

Sur la côte d’Azur, ils fréquentent Bonnard, Matisse et Aristide Maillol, font leurs acquisitions dans les ateliers, ajoutent à leur cercle Odilon Redon, Georges Rouault et Albert Marquet. Quelques œuvres de grands précurseurs viennent compléter l’ensemble avec Edouard Manet, Cézanne, Renoir. Enfin, Vincent Van Gogh avec son si symbolique Semeur !

Parallèlement, les époux Hahnloser contribuèrent avec leur cousin Richard Bühler et d’autres mécènes à la création du prestigieux musée des Beaux Arts de Winterthur[1].

L’exposition du musée Marmottant-Monet, présente une éblouissante sélection – constituée progressivement entre 1906 et 1936 – reflet du choix très personnel et sûr de ces grands amateurs d’art. Ne la ratez pas, c’est un enchantement et elle ferme le 7 février !

 

par Christiane Guttinger (Émission du Comité Protestant des Amitiés Françaises à l’Étranger diffusée sur France Culture, à 8h55, le 3 janvier 2016).

Nous remercions Mme Lisbeth Lasserre de ses précieux conseils.

Pour aller plus loin : La collection Arthur et Hedy Hahnloser – un regard partagé avec les artistes, par Margrit Hahnloser-Ingold (historienne d’art et épouse d’un des petits-fils des collectionneurs), Rudolf Koella, ancien directeur du Musée des Beaux-arts de Winterthur. Lukas Gloor et Ursula Perrucchi, .Ed. Bibliothèque des arts, 2011, 366 p. ill.

L’exposition Charles Gleyre (1806-1874), peintre suisse protestant dont une sélection d’œuvres est actuellement présentée à Paris, au Musée d’Orsay, jusqu’au 11 septembre, est intéressante à plus d’un titre. Après une vie marquée par un épuisant périple en Orient qui l’a mené jusqu’aux sources du Nil, Gleyre a dispensé son enseignement aux Beaux-Arts de Paris à toute une génération de peintres (environ 600 entre 1843 et 1864) parmi lesquels nous citerons Frédéric Bazille, Gustave Brion, Eugène Castelnau, François-Émile Ehrmann, Louis Frédéric Schützenberger, Henri Zuber, et l’américain James Abbott McNeill Whistler. Ses tableaux « bibliques » sont surprenants : Adam et Eve terrifiés dans un environnement préhistorique peuplé de ptérodactyles et de mammouths, l’Arche de Noé survolée par deux anges alors que la Bible mentionne une colombe rapportant un rameau d’olivier, le Fils prodigue accueilli par sa mère, La Séparation des apôtres au pied de la croix nue, traduisant une grande liberté d’invention sous un style académique.

[1] Construit également par les architectes Rittmeyer et Furrer sur un terrain offert par la ville, le musée est inauguré en 1916 par une exposition de peinture suisse du xixe siècle, puis une exposition d’art français. Agrandi depuis, il constitue l’un des plus beaux musée d’art du XXe siècle.

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