Théodore de Bèze

Maquette du groupe central du mur de la Réformation
Maquette du groupe central du mur de la Réformation Projet de Landowski et Bouchard Farel, Calvin, Bèze, Knox
Sur le Monument de la Réformation à Genève, Jean Calvin est entouré de deux personnages qui furent ses proches amis : l’un son aîné de 20 ans, Guillaume Farel que nous avons déjà présenté, l’autre son cadet de 10 ans, Théodore de Bèze.

La longue vie de Bèze – de 1519 à 1605 – s’identifie presque avec le siècle de la Réformation et a participé intensément non seulement à l’histoire de Genève, pendant près d’un demi-siècle, mais à l’histoire de toute l’Europe protestante et en particulier des Eglises réformées en France.

A Paris, puis à Orléans et à Bourges, le jeune Théodore de Bèze eut pour précepteur un célèbre helléniste allemand, Melchior Wolmar. Celui-ci lui enseigna le latin et le grec. Il lui donna aussi quelques lumières sur les idées nouvelles, les idées d’Erasme, de Luther, de Bullinger : des idées « évangéliques », critiques à l’égard de l’Eglise traditionnelle, et de ce fait interdites en France.

Après des études de droit à Orléans, Bèze arrive en 1539 à Paris, où il obtient un certain succès dans des cercles littéraires. Il publie même un recueil de poésies latines d’un érotisme qu’il jugera plus tard peu convenable…

L’année 1548 marque un tournant dans sa vie : après avoir échappé à la mort au cours d’une grave maladie, il décide de vivre selon l’Evangile et quitte la France. Avec sa femme, il va se réfugier à Genève, qui est alors la grande ville de refuge pour les protestants français : Genève est en effet la ville-Eglise modelée par Calvin, le théologien le plus lu en France.

A vrai dire, Bèze ne reste pas à Genève. On lui propose une chaire de grec à la nouvelle académie de Lausanne. Bèze y reste 9 ans, jusqu’en 1558. C’est à Lausanne qu’il écrit Abraham sacrifiant (1550), une tragédie biblique qui met en scène le « père des croyants », marchant par la foi. Ses talents de poète lui valent d’être sollicité par Calvin pour compléter les psaumes mis en vers par Clément Marot[1]. Bèze s’attelle à la tâche dès 1551.

En 1558, à la suite d’un désaccord avec les autorités bernoises (car Lausanne et le pays de Vaud dépendaient de Berne), Bèze quitte Lausanne et vient s’établir à Genève[2]. A Genève, Bèze va participer à la création de l’académie (c’est-à-dire de l’université), ouverte en 1559. Bèze est nommé recteur de l’académie et occupe la chaire de grec. Il achève la révision de la traduction française du Nouveau Testament. En 1561, il achève les 150 psaumes en vers français. C’est ce qu’on appellera « le psautier de Genève », le « Prayer Book » en usage chez tous les réformés de langue française, pendant au moins deux siècles.

Parallèlement, Bèze est envoyé en mission en France, où les événements politiques (la mort de François II et la régence de Catherine de Médicis) font espérer à Calvin la fin de la persécution des réformés. D’autant que la croissance des nouvelles Eglises réformées semble irrésistible. C’est ainsi que Bèze participe au colloque de Poissy (1561), destiné à réunir catholiques et protestants dans la même Eglise. Le colloque tourne court. Un édit de tolérance est signé en janvier 1562, au grand scandale de l’Eglise et du parti catholique. Cet édit déclenche le massacre de Wassy et la première guerre de religion. Bèze resté en France auprès du prince Louis de Condé, s’emploie à démontrer le bon droit de la « cause » réformée.

Une fois la paix signée (1563), Bèze rentre à Genève, pour épauler Calvin, affaibli par la maladie.

Après la mort de Calvin (1564), Bèze est désigné comme le « modérateur de la compagnie des pasteurs » de Genève, autrement dit le président des pasteurs. Comme Calvin, il prêche régulièrement en ville. En même temps, il suit de près la vie de l’académie et du collège de Genève, et enseigne en théologie jusqu’à la fin du siècle.

Même à distance, Bèze maintient des relations étroites avec la France réformée. En 1571, il n’hésite pas à venir présider le synode qui se réunit à La Rochelle. L’année suivante, c’est le massacre de la Saint-Barthélemy, à Paris, puis en province (1572). Bèze est de ceux qui font de Genève une ville d’accueil pour les foules de réfugiés. C’est alors qu’il écrit un ouvrage où il développe l’idée d’un droit de résistance à la tyrannie. Ce traité hardi, publié anonymement en 1574, a valu à Théodore de Bèze, le théologien « successeur » de Calvin, grand exégète et poète, d’être aussi classé parmi les théoriciens politiques modernes.

par Denis Carbonnier

La Lettre n°43


[1] En effet ces psaumes, chantés dans le culte à Genève, depuis plus de quinze ans, étaient loin de représenter le psautier complet. Et Marot était mort prématurément.

[2] En fait, durant toutes ses années lausannoises, Bèze est resté en contact avec Calvin et avec Genève.

Laisser un commentaire