La place des huguenots dans l’établissement de la Nouvelle-France

La participation des huguenots à la fondation de la Nouvelle-France, ancienne appellation du Canada et des Etats-Unis, est trop peu connue. Ma mère, Hélène Poulain et mon père, le pasteur André Poulain qui œuvra principalement à Montréal, au Canada français, ont voulu la faire connaître dans le journal « La Vie Chrétienne » (2) qu’il fonda à Montréal en 1951. Dans ce but, ils ont consulté un certain nombre d’ouvrages, ce qui leur a permis de regrouper les noms des principaux huguenots qui ont travaillé à l’établissement de la Nouvelle-France.

L’Amiral Gaspard de Coligny, chef des huguenots, tué pendant le massacre de la Saint-Barthélémy, le 24 août 1572, avait fait le projet d’un grand empire français en Amérique pour permettre aux sujets de la religion réformée persécutés en France de pratiquer leur religion librement. Le roi Henri II approuva d’abord l’idée, puis l’abandonna. Ce qui a fait dire à l’historien canadien Garneau(3) : « En fait, quelles sources de richesse et de puissance il aurait assuré à la France ! Quel désastre il aurait épargné à ses enfants ! Et comme résultat, quel magnifique empire attaché à l’empire français en Amérique ! Mais dans cette période de haine et de passion, les meilleurs intérêts du pays étaient sacrifiés à la fureur du fanatisme et aux peurs d’un tyran égoïste et soupçonneux ».

Henri IV, protestant jusqu’à son abjuration pour devenir roi de France, admirateur de Coligny dont la statue est érigée au chevet de l’Église réformée de l’Oratoire du Louvre à Paris, n’oublia pas la vision de son maître et favorisa la colonisation du Canada par les protestants.

L’assassinat d’Henri IV en 1610 marque un tournant dans l’histoire de la Nouvelle-France, et peu à peu les protestants français ou huguenots se verront éliminés. La politique de Richelieu favorisera les jésuites et fermera l’entrée du Canada aux huguenots en 1627, par l’Acte d’Établissement de la Compagnie des 100 Associés qui fut une entreprise entièrement catholique romaine.

Même après le traité de Saint-Germain-en-Laye en 1632, traité qui redonne le Canada à la France – alors que le huguenot, converti afin d’explorer, Champlain, fondateur de la ville de Québec, avait été obligé de se rendre en 1629 devant les attaques du protestant Kirke dont la mère était une huguenote de Dieppe – c’est encore un huguenot, Emery de Caën, qui fut chargé de prendre possession au nom de la France du Québec et du Canada.

En 1633, c’est la fin d’un siècle d’efforts de la part des huguenots pour établir une colonie au Canada et on doit admettre que si les huguenots tels que Roberval, Chauvin, de Monts, les de Caën, n’avaient pas monté leurs expéditions, les Français ne se seraient pas établis au Canada et, on peut avancer que ce sont les huguenots qui ont été les premiers fondateurs du Canada, conclut André Poulain(1) en 1972.

Garneau(3) précise la situation des protestants sur le continent américain à cette époque : « Un grand nombre de huguenots s’étaient établis dans la Virginie et dans d’autres Etats depuis la révocation de l’édit de Nantes. Ils furent une précieuse acquisition pour ces colonies… Ils fondèrent plusieurs villes aujourd’hui florissantes (New Rochelle près de New-York, New-York, et Charleston en Caroline du Sud). Ces malheureux qui n’avaient pas perdu le souvenir de leur ancienne patrie firent prier Louis XIV de leur permettre de s’établir dans ses domaines. Mais le ministre de la Marine, Ponchartrain, répondit : « Le Roi n’a pas expulsé les protestants de son royaume pour en faire une république en Amérique ».

Mais être exilés loin de leurs compatriotes est trop douloureux pour certains, aussi pouvons-nous retrouver dans le Dictionnaire de Mgr. Tanguay, les noms de François Frette dit Lamothe et de Charles-Gabriel Chalifou qui, réfugiés de France en Nouvelle-Angleterre durant quelques années, ont fini par s’installer à Montréal en 1699, au prix de leur abjuration.

Massonneau(3) fait la constatation suivante à propos de l’émigration huguenote : « C’est une force française qui s’écoulera et dont la France sera privée. Numériquement cette force sera au moins d’importance égale à l’immigration catholique. Cette perte de substance aura des conséquences importantes ».

Garneau(3) conclut : « Si Louis XIII et son successeur eussent ouvert l’Amérique à cette nombreuse classe d’hommes (les protestants), le Nouveau Monde compterait aujourd’hui un empire de plus, un empire français ».

Parkman(3) est du même avis, puisqu’il écrit : « Si la France, au lieu d’exclure les huguenots, leur avait donné un asile à l’ouest et les avait laissés accomplir leur destinée, le Canada ne serait jamais devenu une province anglaise, et les Etats-Unis auraient partagé leur vaste domaine avec une vigoureuse population de Français autonomes ».

Comment pourrait-on mettre en doute cette conclusion ? affirmait Hélène Poulain en janvier 1976.

(Émission du Comité protestant des Amitiés Françaises à l’Étranger, diffusée le dimanche 7 novembre 1999, à 8h25 sur France-Culture)
Présenté par Evelyne POULAIN (1)
« La Lettre » N°24 de Décembre 1999

Tiré du texte d’Hélène Poulain, site Internet ERF.

La Vie Chrétienne, journal de l’Église Presbytérienne au Canada, 4 numéros l’an, peut vous être envoyé gratuitement sur demande, à l’adresse suivante : C.P.272, Succ. Rosemont, Montréal QC (Québec), HIX 3B8, Canada.

Bibliographie partielle :

  • F.X. GARNEAU (canadien français) : Histoire du Canada depuis sa découverte jusqu’à nos jours , Deuxième édition en 1852.
  • F. PARKMAN (canadien anglais, le seul d’origine protestante) : Pioneers of France in the New World (1854) ; The old Regime (1893) ; Frontenac and New France under Louis the XIVth (1877).
  • Gilbert CHINARD, Les réfugiés huguenots en Amérique, Société d’édition « Les belles lettres », Paris, 1925.
  • MASSONNEAU : L’épopée française en Amérique du Nord, P.U.F., 1942.
  • J.LACOURSIERE, J.PROVENCHER, D.VAUGEOIS : Canada-Québec, Synthèse historique, Ed. du Renouveau pédagogique, 0ttawa, 1973.
  • Jacques-Donat CASANOVA : Une Amérique Française, La Documentation Française et l’Éditeur Officiel du Québec,1975

1 réflexion au sujet de « La place des huguenots dans l’établissement de la Nouvelle-France »

  1. En plus, il faut dire que c’était un Huguenot, le général Ligonier, qui a réussi a prendre Nouvelle France pour le roi de Grand Bretagne. Le General Jeffrey Amherst, responsable de General Wolfe, répondait dons son tour directement à Ligonier.
    Visiter http://www.rdgmuseum.org.uk/ligonier.htm . Je serai hereux de vous envoyer l’histoire de Amherst que j’ai écris avant de comprendre l’importance de Ligonier.
    Vous avez, peut-être, le livre de Robert Larin ‘Brève Histoire des protestants en Nouvelle France et au Québec’.
    Merci pour vos informations.

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