La famille Reclus

couverture du livre "le journal de Zeline"Quelle famille pourrait mieux illustrer cette émission dédiée aux amitiés françaises à l’étranger que la famille Reclus ?

Cette famille est connue par le pasteur Jacques Reclus et par les onze enfants qu’il a eus avec sa femme Zéline, 5 fils et 6 filles. Jacques Reclus, en 1830, est pasteur à Sainte-Foy-la-Grande, pasteur de l’Église réformée concordataire, l’Église nationale, quand il est saisi par le Réveil, c’est-à-dire par le désir de revenir à la Réforme, à la Bible, à une foi plus vive, plus émotionnelle, moins rationnelle que celle du siècle des Lumières. Comment pouvait-il alors rester fonctionnaire, recevoir un traitement régulier, quand son Seigneur Jésus, disait-il, ne savait même pas sur quelle pierre il poserait sa tête… Aussi il donne sa démission et va se faire le pasteur d’une communauté de paysans béarnais du côté d’Orthez. Cette Église libre existe toujours et l’actuel président de la Fédération protestante de France, Claude Baty, en a été le pasteur pendant dix ans. Mais la famille n’a plus de ressources assurées, pour élever tous les enfants, et l’épouse du pasteur, Zéline, va ouvrir une pension pour jeunes filles, pension qu’elle a dirigée pendant près d’un demi-siècle.

Armand Reclus
Armand Reclus
La communauté de frères de Jacques Reclus n’était pas fermée et repliée dans la campagne béarnaise. Elle avait des liens avec différentes Églises d’Europe. Ainsi quand Jacques Reclus décide de créer un asile de vieillards à Orthez, il va en Écosse où il recueille des subsides pour son œuvre. Sa rigueur morale, ses exigences religieuses sont bien connues de l’Église presbytérienne d’Écosse, aussi ses filles sont-elles demandées pour enseigner le français dans des pensionnats pour jeunes filles à Édimbourg. Et on peut admirer qu’à cette époque, c’est-à-dire dans les années 1855-1860, les petites demoiselles Reclus qui n’avaient pas 18 ans, soient parties seules pour aller d’Orthez à Édimbourg… Rien qu’entre Londres et Édimbourg, le trajet en train durait dix-neuf heures…

Mais elles et leurs frères avaient déjà voyagé. Les enfants Reclus dès l’âge de 12 ans, partaient en Prusse rhénane, à Neuwied, faire leurs études chez les frères Moraves, une communauté enseignante piétiste. Jacques Reclus préférait cette atmosphère traditionnaliste à l’enseignement que donnait le collège protestant de Sainte-Foy, pourtant fort réputé et où, lui-même, avait enseigné les langues anciennes. Son fils le plus célèbre, le géographe Élisée Reclus, a décrit l’atmosphère de ce pensionnat étroite et étouffante. Mais ses frères et sœurs, et lui aussi, y ont appris plusieurs langues étrangères, notamment à cause de la diversité européenne des élèves, et s’y sont forgé des amitiés solides.

Élysée Reclus
Élysée Reclus
Les cinq frères Reclus ont eu des carrières extraordinaires et pour quatre d’entre eux, internationale : Elie comme journaliste et sociologue, Onésime comme géographe : c’est lui qui a inventé la notion de francophonie ; Armand, lui, a sa statue de bronze à l’entrée du canal de Panama dont il a dessiné le tracé. Quant à Élisée, on le considère aujourd’hui comme le plus grand géographe du XIXe siècle, le créateur de la géopolitique. Seul Paul, le dernier, a réalisé sa carrière en France, une carrière de chirurgien qui l’a mené à l’Académie de Médecine. Quant aux six filles, elles faisaient des traductions d’articles et de livres que leurs frères signaient car les éditeurs ne voulaient pas d’une signature féminine considérée comme moins commercialisable. On a là, avec cette famille, un exemple de la dimension européenne de cette bourgeoisie intellectuelle protestante de la fin du XIXe siècle.

Et c’est aussi cet aspect international que l’on retrouve quand Élisée est menacé de relégation en Nouvelle-Calédonie, à la suite de sa participation à la Commune de Paris. Par deux fois des géographes, des savants, des intellectuels du monde anglo-saxon signent des pétitions qu’ils envoient au gouvernement de Thiers. Ils déclarent que la vie de cet homme appartient à l’humanité, qu’elle est trop précieuse pour que la France en dispose. Ainsi Élisée Reclus sera exilé en Suisse et il continuera à parcourir le vaste monde pour écrire sa « Géographie Universelle », mais aussi son dernier ouvrage dont le titre même est un manifeste : « L’homme et la Terre ».

(Émission du Comité Protestant des Amitiés Françaises à l’Étranger diffusée sur
France Culture, à 8h25, le 7 mars 2010)

par Gabrielle Cadier-Rey

Lettre N°45

Pour mieux connaître la famille Reclus : Gabrielle CADIER-REY, Le Journal de Zéline, La Cause, 2009, 110 p., ill., 12 €

3 réflexions au sujet de “La famille Reclus”

  1. Bonjour.
    Je possède un exemplaire de la Grande Géographie. Rédigée sous la direction d.Onesime Reclu (1914). Lu et relu toujours avec la même curiosité.
    Mais je ne savais que très peu de choses sur cette si intéressante famille. Je viens de la découvrir sur internet et aussi vous remercier de m.avoir appris tant de choses ensi peu de temps.
    Salutations.
    M.Hansen

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    • Bonjour Monsieur

      Nous prenons connaissance de votre réflexion sur la famille Reclus, dont nous sommes des descendants.
      Ils nous serait agréable de savoir si vous pouviez nous donner des informations complémentaires sur notre ascendant.
      Avec tous nos remerciements.

      Mr Maccaferri
      06 31 24 38 49

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  2. Ping : Grand-grand Tonton Elisée | Caroline Huens

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