Jean Olry ou “le Huguenot banni”

Dans la passionnante exposition « Les Huguenots de la Moselle à Berlin » à Metz on peut voir une vidéo qui illustre la vie de Jean Olry à travers le récit de ses mésaventures.

Le texte de Jean Olry et les notes qui l’accompagnent ont été mis « en ligne » sur internet[1] ; nous remercions beaucoup l’association des Protestants de Metz et du Pays messin pour cette réalisation.

L’ouvrage écrit par Jean Olry s’appelle « La Persécution de l’Eglise de Metz », et il a été publié en 1690, en Allemagne, peu de temps après son arrivée. Il a été réédité au XIXe siècle, et se trouve à la Bibliothèque de Metz et à la SHPF à Paris. On entendra souvent dans ce message les mots mêmes de Jean Olry.

Quel personnage ! En 1685, Jean Olry a 62 ans, il est père de dix-huit enfants dont cinq sont encore vivants. Il est notaire dans la bonne ville de Metz, en Moselle ; il est aussi huguenot, et diacre dans sa paroisse.

La Révocation de l’Edit de Nantes le contraint à se démettre de sa charge de notaire. L’été suivant, il abjure, après avoir subi pendant deux jours la détestable épreuve des dragonnades.

En décembre 1687, le marquis de Boufflers, gouverneur dans les Trois Evêchés (Metz, Toul et Verdun) vient à Metz mettre de l’ordre. Jean Olry est condamné au bannissement. Des gardes le saisissent chez lui pour l’emmener aux Antilles. Après un bref séjour à la citadelle de Metz, il part « sur un méchant cheval de louage » pour Verdun, avec cinq compagnons de misère et une garde de cinquante cavaliers. « Que de tristes pensées » écrit-il « lorsque je réfléchissais sur l’extrême douleur où je laissais ma famille ! »

A Verdun, Jean Olry apprend en prison le cruel traitement fait à sa femme et ses filles : l’enfermement au couvent ; il attribue la source de toutes ces calamités à « cette malheureuse abjuration que nous avions signée de notre main, et pour laquelle celle de Dieu s’était appesantie sur nous ».

Avec ses compagnons chargés comme lui de chaînes et de fers aux pieds jour et nuit, il est emmené en charrette puis en carrosse à La Rochelle. Sur la route, de nombreux nouveaux convertis « fondent en larmes à la vue des fers que nous portions, en témoignage de la vérité qu’ils avaient été contraints d’abjurer. » Jean Olry dit drôlement que leur voyage a été plutôt un « voyage de triomphe que d’opprobre » : trompettes, grande troupe de soldats, compassion des passants…

Puis en mars 1688, les prisonniers embarquent sur un vaisseau marchand pour la Martinique. Les huguenots bannis devaient recevoir, en arrivant, des terres à défricher et se mettre au travail. Mais le commandant responsable « hausse les épaules », et les laisse « libres d’aller par toute l’île » ; ils s’estiment « heureux de pouvoir prier Dieu sans contrainte et selon leurs désirs ».

Jean Olry observe les gens, colons et esclaves, les mœurs, la nature. « J’ai vu deux tortues monstrueuses que l’on traînait au marché pour les y vendre et dépecer, à quoi on employait la force de quatre hommes pour chacune (…) »

Avec d’autres compagnons d’infortune, Jean Olry s’évade à bord d’une barque, qui les dépose à la Dominique, appelée île des Sauvages : « il est certain » dit-il « que si cette île était peuplée de chrétiens et cultivée par eux comme on le fait en France, l’on en ferait un pays délicieux ».

Un brigantin les emmène de là dans une île hollandaise, où passe fort à propos un pasteur qui leur donne « la paix et la communion de l’Eglise ». Jean Olry se voit alors « délivré d’un si pesant fardeau » (son abjuration) et il se sent affermi dans l’espérance de retourner bientôt en Europe et de rassembler un jour sa famille dispersée.

Les bannis vont bientôt trouver un navire pour les Provinces-Unies (les Pays-Bas), où Jean Olry ne reste pas longtemps. Il se fixe pour de bon à Cassel, en Allemagne, à Pâques 1689 ; il y retrouve enfin deux de ses filles et son fils.

Son récit est vivant, écrit d’une plume alerte et il foisonne de détails irrésistibles ; son histoire est exemplaire, parce qu’il a été lourdement puni à deux reprises, et qu’il a persisté dans sa foi.

L’exposition « Les Huguenots de la Moselle à Berlin » à Metz se termine le 10 mars 2007.

(Emission du Comité Protestant des Amitiés Françaises à l’Etranger, diffusée sur France-Culture à 8h25, le dimanche 4 mars 2007.)

par Alix Guiraud

Lettre N°39


[1] L’association locale « Du Chaussy à Courcelles » dédiée au protestantisme en Pays messin, présidée par Mme Jeanne Vincler, fut particulièrement active avec un site internet complétant et prolongeant l’exposition par des documents en ligne. Elle mit ainsi en ligne le Journal de Jean Olry dans son intégralité, et nous la remercions de nous avoir autorisé à nous servir de ce document dont l’original est conservé à la SHPF (Société de l’Histoire du Protestantisme Français), Paris. Grâce aux liens Internet, on pouvait aussi accéder à ce site par http://perso.orange.fr/metz-protestant/.

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