Jean Calvin et l’institution de la langue française

Calvin "L'Institution chrétienne"
Calvin "L'Institution chrétienne"

C’était le titre du colloque organisé le 17 septembre dernier à l’Académie des Sciences morales et politiques. C’est donc à Calvin auteur français que cette prestigieuse institution a entendu rendre hommage, dans le cadre des manifestations de l’année 2009, à l’occasion du 500e anniversaire de la naissance de Jean Calvin. Dans le Palais de l’Institut, quai de Conti, à Paris, on a donc pu entendre plusieurs brillantes conférences, attaquant le sujet – Calvin et la langue française- sous différents angles.

Calvin : un très grand écrivain français.

Le professeur Olivier Millet a montré que les contemporains de Calvin déjà ne s’y sont pas trompés, et ont parfois cherché à l’imiter, bien qu’à l’époque les œuvres de Calvin ne circulaient en France que difficilement, étant toutes à l’Index. La reconnaissance de Calvin comme l’un des principaux fondateurs de la prose française date seulement de la fin du XIXe siècle. Calvin entre alors dans les manuels de littérature française, très discrètement il est vrai, comme en témoignent les insubmersibles manuels « Lagarde et Michard ». Consécration suprême, acquise non sans mal, semble-t-il en cette année 2009, Calvin ayant fait son entrée dans la Bibliothèque de la Pléiade.

Comment Calvin, lettré qui écrivait en excellent latin à ses amis, est-il devenu ce grand écrivain français ? Sa formation l’explique autant que sa visée évangélique réformatrice.

Nourri des nouveaux modèles de la rhétorique humaniste, et des modèles de l’éloquence biblique à la source de sa conversion, Calvin a eu le souci de communiquer la « pure doctrine de l’Evangile » au grand public. La théologie qui était réservée au clergé, et donc toujours en latin, il a voulu l’ouvrir aux laïcs et même aux femmes, en la traduisant en langue « vulgaire », la langue du peuple. C’est aussi que pour Calvin la doctrine n’est pas séparable de la pratique, de la vie chrétienne. C’est bien ainsi qu’il la présente dans l’Institution de la religion chrétienne, publiée en 1536 et constamment remaniée et augmentée jusqu’en 1560. Et aussi dans de multiples petits traités, édifiants ou polémiques, dans des commentaires bibliques, dans son catéchisme par questions et réponses, dans ses sermons.

Dans tous ces genres, la prose de Calvin se reconnaît entre mille, selon Francis Higman, par la simplicité de la syntaxe, la brièveté des propositions, la clarté de l‘exposition, avec l’emploi des antithèses, la vigueur des expressions et des images, le rythme et le souffle.

Mais plutôt que de parler du style de Calvin, laissons-le parler.

Voici une page du premier texte écrit par Calvin en français : son Introduction au Nouveau Testament dans la bible traduite en français par Olivétan, en 1535 :

« Ô chrétiens et chrétiennes, entendez ici et apprenez! …Il n’y a qu’une voie à vie et salut, c’est la foi et certitude des promesses de Dieu, qui ne se peut avoir sans l’Evangile, par l’ouïe et l’intelligence duquel la vive foi est baillée, avec certaine espérance et parfaite charité en Dieu et amour ardente envers son prochain…

… Vous avez entendu que l’Évangile vous présente Jésus-Christ en qui toutes les promesses et grâces de Dieu sont accomplies…

…Tout ce qui se pourrait penser ou désirer de bien est trouvé en ce seul Jésus-Christ. Car il s’est humilié pour nous exalter; il s’est asservi pour nous affranchir; il a été vendu pour nous racheter; captif pour nous délivrer; condamné pour nous absoudre; il a été fait malédiction pour notre bénédiction; oblation de péché pour notre justice; il a été défiguré pour nous figurer ; il est mort pour notre vie, tellement que par lui rudesse est adoucie, courroux apaisé, ténèbres éclaircies, injustice justifiée, faiblesse vertueuse, déconfort consolé, péché empêché, mépris méprisé, crainte assurée, dette quittée, labeur allégé, tristesse réjouie, malheur bienheuré, difficulté facile, désordre ordonné, division unie, ignominie anoblie, rébellion assujettie, menace menacée, embûches débûchées, assauts assaillis, effort efforcé, combat combattu, guerre guerroyée, vengeance vengée, tourment tourmenté, damnation damnée, abime abîmé, enfer enferré, mort morte, mortalité immortelle. Bref, miséricorde a englouti toute misère, et bonté toute malheureté… »

(Émission du Comité Protestant des Amitiés Françaises à l’Étranger diffusée sur
France Culture, à 8h25, le dimanche 4 octobre, 2009)

par Louis Burkard

Lettre N°44

Bibl. Jean Calvin, Œuvres, éditées par Francis Higman et Bernard Roussel, Editions de La Pléiade, Gallimard, Paris, 2009, 1520 p., 52 €

timbre sur Calvin

Timbre édité par La Poste, France, 2009 : La silhouette du buste de Calvin, détail d’une gravure du XIXe siècle se détache devant la reproduction d’une lettre écrite par le réformateur.

Summary : JEAN CALVIN AND THE INSTITUTION OF THE FRENCH LANGUAGE

by Louis BURKARD

The Académie des Sciences morales et politiques in Paris, a prestigious organisation honoured Jean Calvin by organising last September a symposium to celebrate the 500th anniversary of his birth.

Several brilliant talks were delivered.

Calvin was a great French writer: Professor Olivier Millet demonstrated that Calvin’s contemporaries tried to imitate him, even though his works were difficult to find as they were forbidden by the Church. It is only at the end of the XIXth century that Calvin was acknowledged as one of the main founders of the French prose.

Calvin wrote his letters to his friends in Latin. But he was nourished with the new humanist ideas, and his main care was to communicate ‘the pure doctrine of Gospel’ to the people. Divinity was only for Church men only, and therefore always in Latin. Calvin wanted to open it to laymen and even women in translating it in the common language, the people language. Calvin considered that doctrine could not be split from Christian life. Such is his presentation of ‘Institution of the Christian Religion’ edited in 1536 which he kept on modifying till 1560. He also wrote many booklets and brochures, biblical commentaries, catechism with questions and answers, and sermons.

His prose can be recognized at first sight, thanks to his very simple grammar, short proposals and clear explanations, his opposition of ideas and the power of his phrases, images, rhythm. His introduction to the new testament in the Bible translated by Olivetan in 1535 gives a very good example of it: ” Ô chrétiens et chrétiennes, entendez ici et apprenez!… Il n’y a qu’une voie à vie et salut, c’est la foi et certitude des promesses de Dieu, qui ne se peut avoir sans l’Evangile, par l’ouïe et l’intelligence duquel la vive foi est baillée, avec certaine espérance et parfaite charité en Dieu et amour ardente envers son prochain…”

1 réflexion au sujet de « Jean Calvin et l’institution de la langue française »

  1. An interesting article. It may be that in the original language Calvin may be an easy read but in the English translation I find I struggle a bit with his style and terminology. I have The Institutes of the Christian Religion and have read it for many years (translated by Henry Beveridge, WM. B. Eerdmans Publishing Company, Grand Rapids, Michigan. 1962.

    I enjoy reading Calvin immensely but struggle with his long contorted explanation and his style, he grammar is difficult for the 21st century reader and his invectives rather off-putting. To really understand what Calvin is saying I rely on the work of Louis Berkof in his opus: A Systematic Theology.

    Balnd

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