Huguenots. De la Moselle à Berlin. Les chemins de l’exil

le temple neuf à Metz
Cette excellente exposition, coproduite par le Conseil général de la Moselle et par le Deutsches Historisches Museum, est présentée dans le Temple neuf de Metz, qui a pour particularité d’avoir été inauguré en 1904 par le Kaiser Guillaume II, accompagnée de son épouse, puisque la Moselle avait été annexée par l’Allemagne en 1870.

Très classiquement, l’exposition commence par rappeler ce qu’est la Réforme – ses principes et les hommes qui l’ont portée. Puis, elle se focalise sur le Pays messin en faisant découvrir cette histoire entre le début de la Réforme et la révocation de l’Edit de Nantes en 1685.
L’exposition met bien en évidence le dilemme qui pesait alors sur les huguenots : comment rester fidèle à son roi sans renier sa religion ?

Au cours de l’été 1686, Louvois, ministre des affaires étrangères de Louis XIV, envoie à Metz un régiment de dragons. Les dragonnades dureront une quinzaine de jours. Résultat : pour la seule ville de Metz, 1.200 protestants deviennent catholiques, tout en continuant sans doute à pratiquer leur culte dans la clandestinité.

Ceux qui n’abjurent pas, fuient en masse. Entre 1686 et 1700, 70 % de la population protestante a quitté la ville, soit 17 % de la population totale. La moitié de ces fugitifs choisira comme refuge le Brandebourg, et spécialement Berlin.

Pourtant, exception faite des pasteurs auxquels il est imposé, l’exil est interdit et les risques encourus importants : pour les hommes, les galères ; pour les femmes, la prison ou le couvent…

Après avoir découvert l’itinéraire classique de Metz à Berlin et l’organisation mise en place par les autorités allemandes pour attirer les huguenots, le visiteur de l’exposition est sensibilisé aux difficultés rencontrées par ces milliers de fugitifs à travers trois histoires personnelles : celles de Philippe Naudè, de Marie Dubois et de Jean Olry.
Marie Dubois est déterminée à fuir pour ne pas abjurer sa religion et s’y prendra à trois reprises. On peut néanmoins voir dans une vitrine qu’elle a malheureusement été contrainte de signer un acte d’abjuration lors de son passage au couvent.

Jean Olry a, comme tant d’autres messins, refusé d’abjurer. Il s’est enfuit. Capturé, ses biens ont été confisqués et il a rejoint les rangs des « galériens pour la foi » déportés aux Antilles. Il a pu s’évader et se mettre à l’abri à Cassel, d’où il a pu écrire son récit en 250 pages, véritable témoignage de ce qu’ont alors subi les réformés.

Philippe Naudé était teinturier à Metz. Une semaine après la promulgation de l’édit de révocation, il décide de s’exiler. Lui et sa femme empilent dans une hotte leur vaisselle d’argent, quelques sous, des langes pour leur enfant de 10 mois, deux chemises et quelques petits pains blancs et partent en direction de Montoy. En route, Philippe Naudé rencontre son frère, avec lequel il continue son chemin, puis ils se joignent à un petit groupe qui part en charrette jusqu’à Kaiserslautern. Après moult péripéties, le messin s’installe à Hanau où malheureusement il fait de mauvaises affaires. Laissant femme et enfant, il poursuit son périple jusqu’à Berlin, où il va enseigner les mathématiques. L’un des ses descendants, David, figure parmi les fondateurs de l’Académie de Berlin. Une autre branche de la famille Naulis s’est exilée aux Pays-Bas, puis en Afrique du sud où l’on compte aujourd’hui plusieurs dizaines de milliers de porteurs de ce patronyme.

A travers ces trois histoires, on prend concrètement conscience des raisons qui poussèrent les protestants messins – et, à travers eux, ceux du reste de la France – au choix de l’exil, des chemins parfois détournés qu’ils prirent pour parvenir à leur fin.

La dernière partie de l’exposition est consacrée à l’accueil très cordial que les huguenots reçurent à Berlin et dans le Brandebourg, les facilités qui leur ont été offertes. Notamment, l’Edit de Postdam autorise les protestants français à reconstruire dans le Brandebourg une communauté, disposant de ses propres règles, conservant sa langue et sa culture, maintenant des liens privilégiés avec la France et en en créant avec les autres communautés exilées.

L’afflux des huguenots vers Berlin – à la fin du XVIIe, un quart de la population de Berlin était huguenote – va contribuer à l’essor économique, scientifique, politique, artistique et artisanal du Brandebourg. L’exposition présente trois exemples : l’effort militaire, l’apport artistique et industriel, notamment à travers l’orfèvrerie, et enfin, les travaux d’architecture, d’urbanisme et d’horticulture.

Cette exposition, extrêmement vivante, présentant environ 200 pièces provenant des grands musées et bibliothèques européens, est ouverte jusqu’au 10 mars 2007.

(Emission du Comité Protestant des Amitiés Françaises à l’Etranger, diffusée sur France-Culture à 8h25, le dimanche 7 janvier 2007).
Par Denis CARBONNIER
Lettre N°38

Si vous ne pouvez pas participer à la visite que nous organisons le 13 janvier 2007 à Metz, ne manquez pas d’aller à l’exposition « Huguenots, de la Moselle à Berlin, les chemins de l’exil », à Metz, au Temple Neuf, ouverte jusqu’au 10 mars 2007.

1 réflexion au sujet de « Huguenots. De la Moselle à Berlin. Les chemins de l’exil »

Laisser un commentaire