Guerres et paix de religion – Sur le chemin de l’édit de Nantes.

Cette année, l’Assemblée du Désert – le dimanche 7 septembre 1997 – sera orientée par la perspective de l’Edit de Nantes de 1598. La commémoration prochaine de l’Edit de Nantes, en 1998, invite à « revisiter » une période assez ingrate de l’histoire de France : la période des guerres de religion, qui précède l’Edit de Nantes, l’édit du bon Roi Henri IV, devenu synonyme de paix et de liberté religieuse.

Ces guerres entre catholiques et protestants sont issues de l’affrontement, à partir des années 1550, entre deux façons d’être chrétien en France, deux modèles socio-religieux, deux forces : d’un côté une minorité dynamique (10 à 15% de la population du royaume), minorité « réformée » sur le modèle de Genève, structurée en communautés, consciente d’elle-même, luttant pur obtenir une reconnaissance officielle ; de l’autre la majorité du pays et les pouvoirs – Eglise, Parlement et Roi de France – hostiles à l’« hérésie » nouvelle, c’est à dire hostiles à un changement religieux qui représentait alors une sorte de révolution culturelle.

La solution du conflit ? D’abord des édits répressifs, visant à éradiquer l’« hérésie » par la force. Seulement, ils se révélèrent peu efficaces. Alors, sous la régence de Catherine de Médicis : des mesures d’apaisement. C’est ainsi qu’en Janvier 1562 un édit royal reconnut pour la première fois les réformés, en attendant qu’un concile tranche la question religieuse au fond : les protestants n’étaient plus appelés « hérétiques », mais « ceux de la nouvelle religion » ; ils n’étaient donc plus criminels et ils avaient le droit de « s’assembler hors des villes ». Cet édit scandaleux aux yeux de la majorité catholique ne put être appliqué : à peine signé, le massacre des réformés assemblés pour le « prêche » à Wassy déclencha la première guerre de religion.

A partir de là, pendant trente-six ans, on compte huit guerres de religion. Des guerres civiles dont l’enjeu était clairement le statut de la religion réformée dans un royaume catholique ; et en même temps le contrôle d’un Etat affaibli par des familles nobles rivales, à la tête des deux partis (catholique et protestant). Guerres confuses, faites de brèves opérations militaires et de violences, tantôt sporadiques, tantôt contagieuses.

Ces guerres ont été entrecoupées de trêves et de paix. Des paix organisées par des textes juridiques : des « édits de pacification », portant le sceau de Charles IX puis de Henri III. Traités de paix âprement négociés par les belligérants, imposés « à tous présents et à venir » par la volonté royale, au nom du bien public de l’état, ces édits représentaient des compromis pour la majorité catholique, comme pour la minorité protestante. Ils obligeaient les deux partis, tour à tour vainqueurs et vaincus, à déposer les armes, à « oublier les injures passées », pour pouvoir vivre côte à côte. Et, tout en confirmant la religion catholique comme religion officielle, tous ces édits ont reconnu à la religion réformée un statut dans le royaume. En effet, ils ont fait tomber en désuétude l’ancienne qualification d’ « hérésie » qui collait à la Réforme Protestante, au profit de la qualité de « religion ». « Religion prétendue réformée », disent-ils : c’est-à-dire religion dévalorisée par rapport à la religion du Roi et du Royaume, mais religion tout de même. C’est pourquoi, à « ceux de la religion prétendue réformée » les édits de pacification successifs ont garanti des espaces de liberté bien circonscrits : la liberté de conscience et un minimum de liberté de culte, le libre accès aux charges et aux offices et l’égalité de traitement devant la justice.

C’était trop pour les uns, pas assez pour les autres. On comprend que ces édits de pacification aient pu être des pommes de discordes, provoquant, d’un côté comme de l’autre, plus de frustrations que de satisfactions. D’où leur existence le plus souvent éphémère, et parfois virtuelle. Il n’empêche qu’ils ont inventé des formes neuves de coexistence civile, entre groupes religieux en conflit. Ils ont été d’ailleurs, très directement, les modèles de l’Edit de Nantes.

(Emission du Comité Protestant des Amitiés Françaises à l’Etranger, diffusée le dimanche 6 juillet, à 8 h 25, sur France-Culture)

Ce thème a été évoqué lors du Culte (10h30) et des deux conférences de l’après- midi de la dernière Assemblée du Désert qui s’est tenue, comme chaque année, le 1er dimanche de Septembre autour du Mas Soubeyran, près de Mialet dans le Gard.

Le Musée du Désert (Le Mas Soubeyran, 30140 Mialet. Tél.: 04 66 85 72- Fax : 04 66 85 00) est ouvert tous les jours de 9h30 à 18h30.

Le thème de l’Assemblée du Musée du Désert du 6 septembre 1998 sera l’« l’Edit de Nantes » ; celui de l’année 1999 concernera l’application de l’Edit jusqu’à la paix d’Alès en 1629.

par Antoine Carbonnier,
« La Lettre » N°20 de Novembre 1997

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