Cinquième jubilé séculaire de Bernard Palissy (1510-2010)

Bernard Palissy
Bernard Palissy
Il y a cinq cents ans naissait Bernard Palissy à Saint-Avit, un hameau aux confins Nord du diocèse d’Agen. Les Palissy s’établirent à Saintes dans le sillage d’Antoine de Pons, gouverneur de Saintonge. Au retour de sa mission diplomatique à Ferrare auprès de la duchesse Renée de France, il avait rapporté d’Italie une merveilleuse coupe émaillée. Ebloui, le jeune Bernard Palissy entreprit de rechercher le secret de fabrication de l’émail blanc. De peintre verrier, il devint arpenteur-géomètre pour financer ses travaux et leva les plans des îles et marais salants de Saintonge. C’est l’origine de l’épisode où son épouse le tint pour « fol ». Il ne brûla que les palissades de son jardin et quelques lames de plancher pour achever une cuisson.

Bernard Palissy fut l’un des fondateurs de l’Eglise réformée de Saintes.

Découvert par le connétable Anne de Montmorency, il reçut la commande d’une grotte rustique pour le château d’Ecouen, et le roi Henri II lui paya 50 écus un bassin rustique décoré de végétaux, reptiles et coquillages moulés.

Au début des troubles de religion, en 1562, Palissy fut emprisonné à Bordeaux. Alors le connétable obtint pour lui de la régente Catherine de Médicis le titre d’Inventeur des Rustiques Figulines du Roi. Les figulines sont des poteries de terre. Notre potier alla se réfugier à La Rochelle. Là en 1563, il publia son premier ouvrage: Architecture et Ordonnance de la Grotte rustique de Monseigneur le Duc de Montmorency, suivi de : Recepte Véritable par laquelle tous les hommes de France pourront apprendre à multiplier et augmenter leurs trésors. Il y ajoute sa vision d’un jardin délectable et d’une ville amphithéâtre de refuge imprenable pour les chrétiens persécutés. Cet ouvrage, aux dires du professeur Franck Lestringant, le révèle comme un visionnaire et l’un des créateurs du roman autobiographique.

Ses théories des sels nutritifs et de l’eau congélative sont d’ingénieuses tentatives d’explication avec les moyens de l’époque. On ne peut lui attribuer l’explication de l’origine des fossiles, il l’a empruntée au savant milanais Jérôme Cardan, mais quand il dénonce les pratiques routinières qui ne font qu’avorter la terre, il annonce un Olivier de Serres.

Au passage du cortège royal du jeune Charles IX à Saintes en 1565, Catherine de Médicis lui commande une grotte rustique pour le jardin des Tuileries. Palissy transféra son atelier l’année suivante à Paris. Les fouilles des années 1985 au Sud-ouest de la Cour du carrousel ont recueilli un grand nombre de moules en plâtre et de fragments palisséens près de ses fours. Les archéologues ont également localisé la fameuse grotte qui fut terminée en cinq ans, aujourd’hui disparue. Associé à ses fils, il put visiter de nombreux sites à la recherche des meilleurs gisements d’argile. Ce fut l’occasion de nombreuses observations.

A la Saint Barthélémy, Palissy se réfugia à Sedan dans la principauté des de La Marck. Il en profita pour étendre ses observations jusqu’en Allemagne et en Lorraine. Maître Bernard est réprimandé à plusieurs reprises par le Consistoire de l’Eglise réformée de Sedan pour « insolences et scandales ordinaires » à cause de disputes familiales avec son épouse et son gendre.

Trois ans après, sous Henri III, Bernard Palissy vint reprendre sa place à Paris et diversifie les productions de son atelier des Tuileries. Il réalise entre autres des médaillons destinés à être offerts par la Cour aux visiteurs. Ils représentent les membres de la famille royale et leurs proches.

Au carême de 1575, Maître Bernard annonce une série de conférences publiques payantes à un Ecu sur les Sciences naturelles, Médicales et Alchimiques (à cette époque l’alchimie et l’astrologie étaient considérées comme des sciences). Il les nomma sa Petite Académie. Parmi ses auditeurs, deux amis coreligionnaires célèbres: le chirurgien Ambroise Paré et le sculpteur Barthélémy Prieur.

En 1580, Bernard Palissy publia enfin ses Discours Admirables. L’énoncé du titre en donne le programme : De la nature des eaux, des métaux, des sels et salines, des pierres, des terres, du feu et des émaux. Avec plusieurs excellents secrets des choses naturelles. Plus un Traité de la marne, fort utile et nécessaire, pour ceux qui se mêlent de l’agriculture. Le tout dressé par dialogues, lesquels sont introduits par la Théorique et la Pratique.

Il plaide pour que la théorique soit engendrée par la pratique et non l’inverse. Il est génial quand il parle de l’usage et de l’expérience, mais, avec la fierté de l’autodidacte, il se lance imprudemment dans des théories insuffisamment fondées, car dans le domaine scientifique, la culture de la Renaissance reste embryonnaire. Il cherche aussi la difficulté à mettre en adéquation l’œuvre du créateur qu’il observe dans la nature avec la lettre de l’Ecriture Sainte.

Peut-être trop confiant dans les hautes protections que lui a valu le succès de son art, Bernard Palissy resta à Paris quand la ville se révolta contre le roi Henri III et se donna à la Ligue. Le duc de Mayenne lui évita l’exécution de sa condamnation à la peine de mort pour hérésie en le faisant transférer de la prison de l’Abbaye de St-Germain-des-Prés à la Conciergerie, puis à la Bastille, mais il y mourut de misère et de mauvais traitements et son corps fut jeté aux chiens! Il avait quatre-vingt ans.

Le chroniqueur Pierre de l’Estoile qui était son ami et tenta de lui porter secours, raconte que son geôlier le capitaine Bussy, s’amusa à le menacer du feu s’il refusait d’abjurer, admira sa fermeté et l’invita à boire à la belle peur qu’il lui avait faite. Mais la légende rapportée par Agrippa d’Aubigné de la visite du roi Henri III pour le presser d’abjurer est sans fondement.

Le XIXe siècle a honoré l’artisan éblouissant de maîtrise dans l’imitation de la nature par une statue de bronze du sculpteur Ernest Barrias en 1890. L’une se dresse dans le square St-Germain-des-Prés et l’autre à la Manufacture de Sèvres. C’est plus qu’une coïncidence que les collaborateurs d’Emile Gallé, le fondateur alsacien et protestant de l’Ecole d’Art Nouveau de Nancy, lui ont offert une copie de la même statue. Le seul lycée privé protestant existant en région parisienne, créé par la Fondation La Cause à Boissy-St-Léger porte le nom de Bernard Palissy. Enfin; le Musée National de la Renaissance du château d’Ecouen, réceptacle des fouilles palisséennes du grand Louvre expose toute l’année une synthèse de ses œuvres.

(Émission du Comité Protestant des Amitiés Françaises à l’Étranger diffusée sur
France Culture, à 8h25, le dimanche 6 juin 2010)

par le pasteur Paul Lienhardt

Lettre N°45

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