Abraham Bosse (Tours 1604-Paris 1676), savant graveur protestant sous le regne de louis XIII

À l’occasion du quatrième centenaire de la naissance d’Abraham Bosse, deux expositions viennent de lui rendent hommage. L’une à Tours où il est né en 1604, l’autre à Paris où il fait son apprentissage, toute sa carrière et meurt en 1676.
Il est le fils d’un maître tailleur d’habits protestant, d’origine allemande, immigré à Tours à la fin du XVIe siècle. L’appartenance d’Abraham Bosse à la religion réformée est attestée par divers documents dont le contrat de son mariage avec Catherine Sabarrat , le 25 mai 1632 à l’Eglise réformée de Tours.

Il entre en apprentissage à Paris, en 1620 -il a alors 16 ans- chez Melchior Tavernier, également protestant, venu d’Anvers, et qui est un des éditeurs d’estampes et de livres illustrés les plus importants de l’époque. Il ne retourne qu’occasionnellement dans sa ville natale. Ses neuf enfants – dont cinq morts en bas âge- sont baptisés au temple de Charenton, et il est enterré au cimetière protestant des Saints Pères. Les registres paroissiaux de Charenton et du cimetière des Saints Pères ont brûlé lors de la commune en 1871, mais des copies antérieures ont préservé les traces de ces actes.

Abraham Bosse est l’un des plus brillants graveurs de son temps ; il a laissé environ 1600 estampes d’une grande qualité technique. Délaissant la gravure sur bois traditionnelle, il participe au développement de la taille douce en France. Il publie un Traité des manières de graver en taille douce sur l’airain par le moyen des eaux fortes et des vernis durs et mols. Ses scènes sont remarquablement composées et équilibrées, les fonds aussi soignés que les premiers plans ; tous les éléments –mobilier, vêtements, bijoux, instruments, objets quotidiens sont soigneusement choisis et décrits avec une infaillible précision.

Les thèmes sont variés : profanes, allégoriques, religieux, décoratifs, historiques et contemporains, mais également scientifiques.

Les séries des Métiers, des Ages de la vie, des Saisons, des Cinq Sens, des gravures décrivant la mode vestimentaire dont les édits royaux essaient de réfréner la richesse, sont autant de compositions qui témoignent de la vie quotidienne de cette 1ère moitié du XVIIe siècle. Le Maître d’école et La Maîtresse d’école nous renseignent avec précision sur les méthodes d’éducation. Toutes ces estampes sont assorties, dans leur registre inférieur, d’un titre et de vers commentant l’image, renforçant ainsi leur visée pédagogique.

L’humour n’est pas exempt de ces savoureux tableaux de mœurs que sont Les Vierges sages et Les Vierges folles ou, par exemple, de la scène de La femme battant son mari d’une volée de trousseau de clés. L’on aperçoit à l’arrière plan les enfants imitant leurs parents, la petite fille ayant le dessus sur son frère, ainsi qu’une poule triomphant d’un coq… Le trait n’est cependant pas caricatural ni grossier, mais toujours élégant.

Abraham Bosse a traité des sujets religieux tirés du répertoire biblique, dont Le Fils prodigue, mais peu sont d’inspiration protestante aussi manifeste que la célèbre Bénédiction à table mettant en scène un père de famille dont la silhouette axiale se détache devant une représentation des tables de la Loi.

Vierges, saints et Vertus sont traités dans un esprit plus conventionnel, analogue à celui des figures mythologiques et allégoriques.
Les Œuvres de Miséricorde, sont un thème typiquement catholique opposé au « Sola gracia » calviniste. Mais faut-il y voir un clin d’œil : Bosse fait figurer à l’arrière plan de la Visite aux malades le décalogue surmonté de Moïse en buste, et de la main de Dieu, tel qu’il ornait les temples réformés. (Un décalogue apparaît également à l’arrière plan des Vierges sages).

Abraham Bosse savant, mathématicien et géomètre, élabore et dessine des théories scientifiques sur la perspective, discipline qu’il enseigne à l’Académie royale de peinture et de sculpture toute nouvellement créée.
La publication de planches illustrées préfigurant celles de l’Encyclopédie témoigne de l’ouverture d’esprit méthodique et précise, attestée par toute son oeuvre.

La personnalité d’Abraham Bosse est d’un intérêt artistique primordial. De plus, elle met en lumière le milieu des artisans humanistes cultivés qui constitua un creuset privilégié au développement de la Réforme, tant à Tours qu’à Paris … et dans toute la France.

(Emission du Comité protestant des Amitiés françaises à l’Etranger, diffusée le dimanche 1er août 2004, à 8h25, sur France-Culture.)
Par Christiane GUTTINGER
Lettre N°34

Bibl. Abraham Bosse, savant graveur, catalogue commun aux expositions de Tours et de la Bibliothèque Nationale de France, comportant entre autres des articles d’Idelette Ardouin-Weiss, Frank Lestringuant qui mettent en évidence le fait que dans son travail et par sa famille, il est en contact avec tout un
réseau d’artistes et artisans protestants , horlogers, graveurs, orfèvres…ce qui ne l’empêche pas de travailler pour des commandes émanant d’établissement religieux.

Summary : ABRAHAM BOSSE (TOURS 1604 – PARIS 1676), a skilled protestant engraver, by Christiane Guttinger, August 1st 2004

To commemorate the fourth centenary of Abraham Bosse’s birth, there have been two exhibitions of his work; one was in Tours, his birthplace, the other in Paris where he worked all his life.
He belonged to the Reform Movement and at the age of 16, was apprenticed to a well-known editor of prints, also a protestant.
His engravings (there are about 1600 of them) were of outstanding quality. He pioneered the copper-plate technique in France and published a treatise on this new technique. His artistic talent was considerable, as could be seen in the composition, backgrounds and in the depiction of details of everyday life. He portrayed scenes of education with “The Schoolmaster”, and “The Schoolmistress” and even humour with “The Wise Virgins” and “The Foolish Virgins”, illustrating contemporary manners.
Due to his faith, there were also several Biblical subjects such as “The Family Blessing” or “The Wise Virgins”. But he was obliged to engrave some more conventional themes, such as “Virtues”, or “Works Of Charity”.
He was a brilliant artist and typical of the cultured humanist craftsmen of his time – they were a product of the dynamic interaction of ideas and talents generated by the Protestant Reform Movement.

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