Philippe de Mornay, seigneur du Plessis-Marly, dit Duplessis-Mornay

Duplessis-Mornay
Duplessis-Mornay
En juin dernier, notre Comité a pu visiter, au Sud de Rochefort en Yvelines, le Château du Plessis-Marly, devenu le Plessis-Mornay depuis que Philippe Mornay y avait établi sa demeure familiale en Ile-de-France. C’est pourquoi je vais évoquer aujourd’hui la noble figure de ce grand ministre protestant du Roi Henri-le-Grand.

Le père de Philippe de Mornay était Seigneur de Buhy, près de Magny-en-Vexin. Mais comme il était le cadet, il reprit le titre de sa mère Françoise du Bec-Crespin, Dame du Plessis-Marly.

Particulièrement doué, le jeune Philippe de Mornay entreprit à seize ans, à travers l’Europe, de studieux séjours qui confirmèrent son goût pour la théologie et la controverse. De retour à Paris en 1572, il présenta à l’Amiral Coligny un rapport sur l’état des Pays-Bas qui le fit remarquer.

Echappé du massacre de la Saint-Barthélémy, c’est à Sedan, en 1575, chez le Duc de Bouillon, qu’il rencontra une autre réfugiée pour cause de religion : Charlotte Arbaleste et l’épousa.

Dès 1577, il fut remarqué par le Roi de Navarre, qui le prit dans son Conseil. Il accomplit de nombreuses missions périlleuses et réussit à passer au Plessis pour voir son premier enfant : Marthe. Il suffit d’énumérer les lieux de naissance des enfants pour voir la vie mouvementée du couple : Elisabeth naquit en Angleterre en 1578, leur fils Philippe à Anvers l’année suivante, et Anne naquit au Plessis en 1583. Charlotte écrivit une remarquable « Vie de Duplessis-Mornay » dont l’objectivité sut éviter les pièges du genre. Leur fils unique fut tué au Service des Pays-Bas, à 26 ans, et Charlotte mourut l’année suivante en 1606. Philippe lui survécut dix-sept ans.

Duplessis-Mornay seconda Henri de Navarre tant sur le plan militaire que diplomatique, le Roi estimant hautement sa probité et ses talents. Il fut l’artisan principal de sa réconciliation avec le Roi Henri III. Les deux Rois le nommèrent Gouverneur de Saumur. Dès la mort d’Henri III, Mornay seconda le nouveau Roi à Tours, se couvrit de gloire à Ivry et fut négociateur habile, prudent et conciliant jusqu’à la soumission des chefs de la Ligue.

Mais pour nous, son plus grand mérite fut sa fidélité à ses coreligionnaires. Il réussit à arracher au Roi l’ordre de rédiger un nouvel Edit. Duplessis-Mornay avait à la fois une confiance presqu’aveugle dans la bonne foi du Roi et une fidélité inébranlable à son Eglise réformée, exigeant des garanties indispensables face au fanatisme des tribunaux et à l’intolérance de ses adversaires. Il sut en même temps imposer la modération aux Assemblées protestantes qui le regardèrent comme leur défenseur naturel dans les Conseils du Roi. C’est alors que les catholiques l’appelèrent « le pape des Huguenots ». Sa rude franchise déplut de plus en plus au Roi qui ne supporta ses remontrances que tant qu’il avait besoin de lui.

Malgré toutes ces tâches harassantes, Duplessis-Mornay réussit à produire son traité « de l’Institution de l’Eucharistie ». Le livre fut condamné par la Sorbonne, mais le temps où l’on brûlait les livres hérétiques était passé, et celui de la réfutation par la controverse marqua un immenses progrès. L’Evêque Du Perron l’accusa d’avoir falsifié cinq cents citations. Au lieu de rétorquer qu’il restait encore près de quatre mille bonnes citations et qu’il lui abandonnait ces cinq cents, il tomba dans le piège d’une controverse publique pour protester de sa bonne foi. Elle se tint à Fontainebleau en mai 1599. Du Perron fut déclaré vainqueur et Henri IV en ressentit un plaisir extrême. Le cœur ulcéré, Mornay se retira à Saumur. Son ancien adversaire Mayenne lui rendit hommage, déclarant qu’il avait vu un ancien et fort fidèle serviteur du Roi très mal payé de tant de services ! Nous sommes parvenus aujourd’hui, grâce à Dieu, à l’étape suivante, car la controverse fait place au dialogue.

Outre le service du Roi et l’Edit de Nantes, il me faut citer un non moindre titre de gloire de Philippe Duplessis-Mornay, c’est la fondation, par lettres patentes du Roi, en 1593, de l’Académie de Saumur, qui surpassa au XVII° siècle toutes les autres académies protestantes par son renom et le grand nombre de ses étudiants français et étrangers. Elle fit la fortune de Saumur et fut la pépinière des pasteurs de France. Tout cela fut détruit par Louis XIV sauf l’Académie d’équitation…

Louis XIII résolut de le priver de son Gouvernement et l’expulsa par traîtrise de son Château de Saumur en 1620. Duplessis-Mornay se retira dans son Château de La-Forêt-sur-Sèvre où il mourut en 1623, à 74 ans.

Voltaire a considéré Philippe Duplessis-Mornay comme le plus vertueux et le plus grand homme du parti protestant.

(Emission du Comité Protestant des Amitiés Françaises à l’Etranger du dimanche 5 août 2001, à 8h25, sur France-Culture).
Par le pasteur Paul Lienhardt
Lettre N°28

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